Adolescente, je lisais déjà des romans de Dean Koontz, et puis, pour je ne sais quelle obscure raison, j’ai perdu de vue cet auteur que j’adorais pourtant. Alors, quand j’ai eu la possibilité de lire La Chambre des murmures, je me suis jetée dessus, même sans avoir lu Dark Web, qui est le premier volet des aventures de Jane Hawk. Et, force est de constater que le premier point positif réside là : il est tout à fait possible de lire les romans de manière indépendante!
La Chambre des murmures, c’est le combat d’une policière d’exception, un agent du FBI, Jane Hawk. Elle est aux prises avec des forces qui la dépassent dans un monde qui se délite, un monde où des hommes puissants décident qui a le droit de vivre et qui doit mourir. Elle seule comprend que les morts mystérieuses, les suicides spectaculaires sont orchestrés par une organisation tentaculaire qu’il faut arrêter, au péril de sa carrière, au péril de sa vie, au péril de sa famille. Sa quête de vérité devient alors notre enquête.
Tout d’abord, j’évoquerai la construction de ce roman. Nous commençons par découvrir Cora Gundersen, une femme qui nous met un peu mal à l’aise. Autant elle semble adorable, autant, par certains aspects, elle semble perdre la raison, et ses attitudes deviennent progressivement de plus en plus inquiétantes, jusqu’à l’acmé et la catastrophe. Puis nous alternons avec différents protagonistes : Jane Hawk, Hannafin, Randall Larkin… autant de noms qui nous perdent et nous donnent le tournis. C’est une sensation étrange car, si au début, c’est déroutant, très vite, nous comprenons que cette construction est au service du sens du roman. Comme Jane, nous sommes perdus dans les ramifications d’une organisation qui étend ses tentacules toujours plus loin, toujours plus avant, au-delà même de ce que nous pouvions imaginer. Toutes les strates de la société sont envahies et personne n’est à l’abri. Même la personne la plus honnête en apparence peut être à la solde de personnes corrompues… Ainsi, nous sommes immergés d’emblée dans le monde de l’héroïne et sa cavale devient notre cavale, pour notre plus grand bonheur. La toile tissée par l’auteur s’avère donc particulièrement efficace et complexe.
Au fil des événements, nous découvrons les turpitudes de tous : du puissant avide de richesses et de pouvoir, capable de satisfaire les pires perversions parce qu’il en a l’occasion et les moyens, au petit exécutant qui ne subodore rien de la face immergée de l’iceberg, en passant par l’ambitieux qui espère bien gagner beaucoup en s’impliquant dans une organisation qui n’a rien de moral ou d’altruiste. Bref, nous retrouvons ici la nature humaine dans ce qu’elle a de plus violent, de plus abject mais aussi de plus beau. En effet, Jane Hawk est prête à tout pour aider et sauver des innocents, elle brave la mort, elle risque sa vie pour prouver qu’elle a raison, que son combat n’est pas vain, que son mari mort n’est pas mort pour rien. Et, sur son chemin, au milieu des drames et des salauds, elle croise des gens bien, qui lui tendent la main sans rien demander en échange, qui se mettent en péril, eux et leur famille, pour l’aider, à l’instar du shérif Luther. L’alliance des deux est savoureuse. J’ai d’ailleurs particulièrement aimé un personnage qui apparaît à la fin, un vieux monsieur à l’humour ravageur qui aide Jane pour le plaisir, pour passer le temps et parce que ça l’amuse. Du reste, je ne vous dévoilerai pas son nom pour que vous gardiez la fraîcheur de la découverte.
Jane quant à elle est bien entendu la clef de voûte du roman. C’est une femme décidée, qui a son lot de fêlures. La vie ne l’a pas épargnée et sa croisade sera peut-être davantage sa croix. Mais, contre vents et marées, elle avance, oeuvre pour le bien, pour démasquer les ordures et pour les faire punir. Elle n’est pas infaillible et se trompe, fait preuve de maladresse, répare ses erreurs avant d’avancer. Jane est donc un personnage attachant : à la fois exemplaire et téméraire, elle endosse le rôle d’un Dom Quichotte dans un monde de requins qui ne lui laisse que peu de chances de réussir son entreprise. Nous avons donc là un personnage vraiment intéressant.
Enfin, le monde décrit est subtil et percutant. Il offre un mélange de science fiction avec les nanotechnologies et de monde moderne terriblement réaliste. Le contenu en devient encore plus glaçant, car, tout du long, nous nous demandons si les événements mentionnés ne risquent pas de devenir un jour une triste réalité. C’est donc un réel tour de force car cette oeuvre allie avec un équilibre rare roman policier, suspense, réalisme et science fiction. Nous sommes bluffés par la précision des choses, par la cruauté avec laquelle le destin s’acharne sur certains, par le souci du détail chez Dean Koontz qui permet un twist final savoureux mais aussi, et surtout, annonciateur d’autres aventures, car ne croyez pas en avoir fini avec les monstres au terme de ce tome. Bien au contraire, les coupables identifiés laissent place à des monstres sournois, tapis dans l’ombre, qu’il faudra encore débusquer au terme d’un combat à venir, inéquitable, violent et, à n’en pas douter, meurtrier.
Ainsi, La Chambre des murmures est une réussite. L’écriture fluide et glaçante nous mène de bout en bout dans une cavale folle aux accents désespérés. Voici une aventure dont nous ne ressortons pas indemnes et qui nous amène aux confins de la folie des hommes tout en nous poussant à nous interroger sur notre monde et ses dérives. En un mot : Un bijou.
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