L’Ombre de l’assassin, Rachel Caine.

Il y a un an sortait L’Ombre de la menace (avis ici), que je découvrais avec mon amie Clémence du blog YouCanRead. Cette année, le 15 octobre, le tome 2 est sorti. Tout naturellement, Clémence et moi avons décidé d’en faire une lecture commune. Et quel plaisir de découvrir pas à pas la lecture ensemble, de commenter, de palabrer et d’imaginer à deux la suite. Cela ajoute une saveur supplémentaire en confrontant les ressentis. Attention, si vous n’avez pas lu le premier volet, cet avis risque de spoiler.

Gwen, alias Gina Royal, a réussi à sauver ses enfants des griffes de Melvin, son ex-mari. Mais il vient de s’évader de prison et cela la terrifie. Elle multiplie les précautions pourtant un texto d’un numéro inconnu fauche ses espoirs « vous n’êtes plus en sécurité nulle part ». Fuir une fois de plus, ou lutter? Elle décide d’entrer en croisade contre Melvin et se lance dans une chasse à l’homme. Mais cette traque s’annonce encore plus éprouvante que prévu.

Je craignais un peu d’avoir du mal à me remettre dans le bain, un an après la lecture initiale, d’autant que j’avais laissé mon tome 1 chez ma mère pour qu’elle découvre le livre. Eh bien non! Il m’a été extrêmement facile de retourner aux côtés de Gwen et de plonger une fois de plus au cœur de l’indicible et de l’horreur. La tension est intense tout au long de ce roman. Nous débutons sur une situation d’urgence : la proie qui, dans une ultime rebuffade, décide de devenir chasseur. Cette tension ne cesse de grimper jusqu’à la chute car, au fil des pages, les soutiens de Gwen, déjà bien minces se délitent un à un, sous le poids des manipulations, sous le poids d’Absalom aussi bien entendu. Melvin, l’ex-mari, est présent tout du long, même si nous ne le découvrons physiquement que dans les cinquante dernières pages. L’ombre de l’assassin rôde, poursuit, recouvre de son voile de terreur tous les événements, d’autant que Melvin a un rare talent pour la manipulation et la perversion. Tout au long de ce roman, je me suis demandée où cela allait me conduire, je me suis demandée si la chute résoudrait les questions soulevées tant le mystère était opaque, tant Gwen semblait dans une situation inextricable.

Rachel Caine fait cristalliser ici un assassin terrifiant. Melvin parvient à être omniprésent sans faire grand chose: un téléphone, des appels, beaucoup de manipulation et une furie brute, une soif sanguinaire, une perversion terrible. Les dernières pages font exister une bête fauve, incontrôlable, à la folie dévorante mais d’autant plus dangereuse qu’elle est rusée et consciente de tout ce qu’elle fait. La confrontation entre Gwen et Melvin est proprement glaçante. Le désespoir et la soif de vivre de l’héroïne n’a d’égal que la fureur du monstre. Cela fait naître un duo d’une rare violence, le bain de sang est irrémédiable. De plus, l’autrice imagine des appuis pour Melvin qui hérissent chaque parcelle de notre être. Dans l’ombre de cet assassin, sont tapis des puissants sans morale et sans scrupules, des pervers avides de sang et de violence, toute une société gangrénée et malsaine. Cela ajoute une atmosphère poisseuse au roman et permet d’accroître la sensation angoissante qui nous étreint dès que débutent les choses sérieuses. Le montage romanesque est donc d’une efficacité redoutable : la mise en scène d’une structure du mal soutient l’ensemble et donne une crédibilité révoltante aux faits.

Ce deuxième volet contient de nombreux rebondissements et les choix de Gwen permettent de mettre en valeur les autres personnages. Nous en apprenons plus sur Sam, qui hésite, se trompe, se rachète et se bat. Les enfants de Gwen s’autonomisent eux aussi. Lanny devient une jeune femme forte. Elle commet des erreurs, encore, mais se relève, se lance dans la mêlée et affronte contre vents et marées des situations désespérées. Connor est beaucoup plus ambivalent ici. Il est le petit dernier, celui qui en sait moins, il est le plus vulnérable finalement et il se fait manipuler, comme tant d’autres. Ainsi, le combat ne se déroule pas juste entre Gwen et Melvin, c’est une bataille pour la survie qui démultiplie les champs de bataille. Le travail de sape n’épargne personne, s’infiltre en chacun, s’insinue sournoisement dans les esprits et fait douter Gwen, le lecteur, et tous les acteurs. L’autrice parvient donc avec brio à flouter les choses pour maintenir notre curiosité en éveil, pour nous accrocher et, de page en page, pour nous ballotter de révélation en révélation jusqu’à l’estocade, rivalisant de personnages détestables ou mielleux pour endormir notre confiance et nous réveiller brutalement. Le lecteur devient donc le double de Gwen : nous arrivons à la fin, comme elle, essoufflés par tant d’aventures et soufflés par l’ampleur de la toile tissée.

Je terminerai cet avis sur le personnage de Gwen. Une fois de plus, elle est d’une résilience à toute épreuve, d’une force hors norme. Son monde – que l’on pensait en ruines- se fissure encore un peu plus, et malgré tout, elle reste debout et lutte avec l’énergie du désespoir. Même quand elle pense avoir absolument tout perdu, elle tente dans un ultime sursaut de sauver ce qui peut encore l’être. Elle est le véritable moteur de ce récit : son attitude, ses objectifs, son combat, tout ce qui la caractérise apporte le sel particulier de cette lecture.

Ainsi, L’Ombre de l’assassin est encore plus glaçant que le premier volet de Stillhouse lake, si c’était possible. Avec une tension implacable, l’autrice nous conduit au bout d’une course poursuite menée à la fois par le bourreau et par la proie, dans un monde où chaque individu peut devenir un ennemi, où le connu se délite au profit du danger. Une lecture trépidante et originale. Un coup de cœur encore plus marqué que pour le premier.

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