
Cela fait quelques années déjà que j’ai découvert le duo que forme Fred Bernard et François Roca. Je me laisse régulièrement tenter par leurs œuvres qui nous séduisent rien qu’avec leur couverture, et je les garde comme une poire pour la soif, pour ces jours où je n’ai envie de rien mais que je veux lire. C’est ce qu’il s’est passé pour cet album. Un soir d’insomnie, je l’ai sorti de ma bibliothèque pour passer un moment hors du temps.
Anya et Tigre blanc est un album qui résonne comme La Malédiction de l’anneau d’or. Je l’ai trouvé moins simple que La Fille du samouraï, mais plus beau pour un œil adulte, or La Fille du samouraï est déjà une très belle lecture, c’est dire! La narration se fait de nouveau singulière. Dans La Malédiction de l’anneau d’or, c’était un corbeau qui racontait, ici, c’est une entité non vivante. Cela donne une saveur très particulière en l’ancrant dans une tradition de transmission, entre conte et légende. Cela ouvre donc sur des temps immémoriaux qui nous transportent et nous font voyager. Cela lui offre une gravité et une solennité porteuse de sens. De fait, j’ai trouvé dans cet album une vraie densité, il amène à une réflexion sur le courage, sur le destin, sur la justice et l’équité, sur l’amour aussi, sur les genres d’une certaine façon, l’héroïne étant une jeune fille. Cet album se fait aussi conte étiologique, renouant avec de vieilles traditions, nous expliquant à demi mots les langages différents entre espèces, le printemps. J’ai tout adoré. J’ai aimé Anya, j’ai aimé le sens, j’ai aimé la narration, j’ai aimé la manière dont le texte et l’image se complètent.
J’ai aussi et surtout aimé les graphismes. Une fois de plus, il y a là une grande beauté et une grande poésie dans la composition de l’album. Le texte est quasiment enluminé, ce qui lui donne un charme un peu ancien tout à fait en accord avec tout ce qu’il incarne par son contenu. Le dessin souligne toute la force de l’héroïne, sa détermination, la détresse des parents, le soulagement à la fin, la majesté de certains personnages. Les animaux sont eux aussi magnifiquement dessinés et offrent de très beaux duos avec les humains. J’ai eu un véritable coup de cœur pour l’alliance des humains et des animaux telle qu’elle est présentée. Je trouve qu’il y a beaucoup de douceur, de compréhension et de beauté entre ces pages lors même que le récit évoque la perte, l’absence, l’angoisse. Il y a donc là un réel coup de maître à réussir une alliance quasiment paradoxale. Le lien entre Anya et Tigre blanc est fabuleux, leur compréhension mutuelle, leur amour indéfectible. Anya est une héroïne très positive, touchante par son caractère entier et intransigeant – dans le bon sens du terme. Elle n’abandonne rien ni personne, elle croit en des lendemains meilleurs et par la force qu’elle dégage, elle change le monde.
Ainsi, j’ai eu un coup de foudre pour Anya et Tigre blanc. C’est une très belle histoire, porteuse de beaucoup de beautés littéraires, qui parle notre coeur et à notre culture tout en nous subjuguant la la beauté du dessin. Un régal.