
La Fille dans la tour est le deuxième volet d’une trilogie que j’ai entamée il y a quelques temps déjà. J’avais craqué pour L’Ours et le Rossignol, les couvertures déjà, le contenu ensuite. J’avais été conquise par les aventures de Vassilissa, baignées de folklore russe, et j’avais gardé en mémoire le fait que c’était une lecture exigeante par l’univers déployé. Chronique du tome 1 : ici. J’ai donc gardé ce tome 2 sous le coude pour un moment hors du temps, mais un moment où j’aurais assez de disponibilité d’esprit pour m’immerger totalement dans l’univers. Je ne voulais pas risquer de passer à côté d’une lecture si tendrement attendue. La Fille dans la tour sera donc ma lecture pour le Menu Automne enchanteur, catégorie « La lunette de Pierre, c’est extra quand on peut voir ce qu’on ne voit pas. » Je clôture ainsi mon challenge avec une lecture minimum par catégorie, pour chaque menu : un appétit de goule validé, une fois de plus… et contre toute attente cette année (même s’il me reste une chronique à publier) !
A Moscou, la cour du grand-prince est gangrénée par les luttes de pouvoir, les campagnes souffrent aussi, pillées et incendiées par des hordes de bandits qui tuent les paysans et kidnappent les fillettes. Le prince Dimitri Ivanovitch est obligé d’intervenir s’il veut éviter une rébellion du peuple. Il croisera sur son chemin un mystérieux jeune homme chevauchant un cheval extraordinaire, seul Sacha reconnaît le jeune homme mais se trouve muselé car l’inconnu est en fait sa jeune sœur, Vassia, qu’il a quittée il y a déjà plusieurs années. Leur quête débute.
Deux ans après ma lecture du premier volet, j’avais très peur de me lancer dans cette suite : peur de ne pas m’y retrouver, peur d’avoir perdu le fil, peur d’avoir oublié… Or, dès les premières pages, j’ai été de nouveau transportée dans les plaines enneigées de Russie, j’ai retrouvé avec bonheur Vassia et Soloveï. En un clin d’oeil, tout m’est revenu. Le démon du gel, Morozko, les tchiorti, tout m’est revenu, porté par le souffle hivernal.
Ce roman a toutes les caractéristiques pour me séduire. Il est porté par un souffle épique. Vassia ici affronte des dangers inédits, elle part à l’aventure, en quête d’elle-même, en quête de découverte, en quête de liberté. Elle s’affranchit pleinement des codes régissant la vie des filles de bonne famille, elle trace sa propre destinée, défiant les puissants, protégeant les faibles, obéissant à son propre code de l’honneur et mettant sa vie en péril plus d’une fois. C’est le tome où sa quête initiatique s’approfondit, où la jeune fille indomptable et rebelle va comprendre le prix de sa rébellion, c’est le début de la maturité qui s’instaure peu à peu, dans la douleur, mais c’est aussi le moment où elle comprend l’impossible renoncement à elle-même.
Plus que jamais, Vassia est une héroïne entière, qui nous fait vibrer, nous touche et nous emporte dans son sillage. Nous la voyons défier l’ordre établi, nous frémissons en voyant les erreurs qu’elle commet par impudence et impulsivité et nous saluons son courage, sa détermination et son abnégation. En effet, Vassia, si elle est incapable de renoncer à sa nature sauvage, est aussi incapable de renoncer aux siens, et n’hésite pas à se mettre en danger pour ceux qu’elle aime. En ce sens, nous avons une très belle héroïne, mue par une force incroyable. Dans La Fille dans la tour, elle est apaisée face au monde invisible, elle a compris quelles étaient ses facultés, et si elle en découvre encore une partie, elle sait utiliser ses dons à bon escient, transmettre et rassurer. Pour autant, nous ne sommes pas à l’âge de raison. Vassia est encore impulsive et naïve, elle manque souvent de discernement, ce qui la précipite dans des situations terribles. Cet état de fait est aussi la cause de nombreux rebondissements et s’avère très savoureux pour le lecteur qui ne s’ennuie absolument jamais.
J’ai adoré retrouver Sacha, le frère de Vassia, j’ai adoré voir leur relation évoluer, la confiance et l’amour réciproque. J’ai aimé voir Olga, la soeur aînée, en apparence froide et déterminée mais fondamentalement aimante. J’ai beaucoup aimé Macha, petit feu follet en herbe, attendrissante et si passionnée aux côtés de Vassia. Le personnage incarné par Kassian est particulièrement intéressant aussi. Je n’en dirai pas trop pour ne pas spoiler, mais nous avons là un être délicieusement ambivalent, qui intrigue (au sens propre dans le récit pour son propre intérêt, mais aussi qui capte l’attention du lecteur). Le jeu qui se met en place entre lui et Vassia est tout bonnement saisissant, nourrissant un lien ambigu, qui lorsqu’il révèle sa vraie nature glace d’effroi et dramatise le récit avec une force décuplée.
La Fille de la tour garde la singularité de cette trilogie : l’influence des contes et du folklore marque le récit de son empreinte indélébile. Les Tchiorti sont bien présents quoique leur présence se limite davantage à des instants clefs, les fantômes du passé hantent également les lieux, et mages, démons et enchanteurs rôdent encore, tantôt alliés tantôt adversaires redoutables. Ils animent le récit de leur souffle magique, faisant planer la lueur indistincte de la magie dans un univers passionnant.
Ainsi, j’ai eu un véritable coup de cœur pour ce deuxième volume : j’ai tout aimé. Vassia, son courage et ses bêtises, son lien avec Soloveï, son lien avec Morozko, son engagement pour la liberté et pour le bien, pour la tradition et la vérité, pour l’amour des siens et pour son droit à être elle-même. Le récit nous emporte de mythes en batailles, de luttes intestines pour le pouvoir en preuves de loyauté et nous fait voyager aux confins d’une Russie extraordinaire, baignée de neige, de soleil et de magie. Un régal encore une fois.