Les Pionnières, Une Place au soleil, Anna Jacobs.

Il y a quelques temps déjà, j’ai lu la saga Cassandra et ses sœurs d’Anna Jacobs. J’avais trouvé ces romans rafraîchissants, alors, quand j’ai vu qu’une nouvelle saga s’amorçait, j’ai eu envie de tenter. Pour moi qui n’aime pas les romances, ces œuvres-là ont le bon dosage : de l’aventure, des contrées lointaines et des histoires de cœur en trame de fond.

Le récit débute en Irlande, dans les années 1860. Keara Michaels vit avec sa famille et leur pauvreté n’a d’égal que le courage de la jeune fille. Keara aime profondément les siens, mais le destin lui révèle de bien cruelles aventures : plus d’une séparation l’attend, et bientôt, l’Australie qu’elle devra découvrir seule. Dans le même temps, Mark Gibson se fait chercheur d’or pour fuir les siens, et, tente de refaire sa vie en ouvrant une auberge, en Australie également.

Tout d’abord, la plume d’Anna Jacobs est toujours aussi fluide et agréable à suivre. Le lecteur est emporté en avant dans l’histoire, happé par le destin des personnages, et curieux de savoir ce que le sort leur réserve. La misère du petit peuple est très bien présentée, la souffrance morale et physique de Keara et des siens est perceptible, le côté enfant gâté de Lavinia – l’épouse du Maître du domaine – est parfaitement rendu, tout comme le caractère jovial de son mari l’est. L’autrice sait faire parcourir le souffle de l’inconnu entre les pages de ses livres, elle sait insuffler le rêve d’Ailleurs et l’espoir de renouveau. Cela fonctionne donc très bien. L’alternance entre l’histoire de Mark et celle de Keara est très bien orchestrée et cela fournit un rythme des plus agréables.

Les personnages du roman sont bien construits et nous interpellent. Le père de Keara est tout bonnement détestable et il est pensé pour faire cet effet, à mon avis. Keara force le respect à tous points de vue – même si elle est presque un peu trop parfaite à mon goût. Je trouve cette héroïne un peu plus convenue que ne l’était Cassandra, elle a le piquant de son sens de la répartie et de son esprit libre, mais elle reste une pauvre jeune femme, à la merci des puissants, et qui s’en remet volontiers à ceux qu’elle pense capables de l’aider. Théo Mullane est l’archétype du maître de maison dans les romances : beau, assez riche, malheureux en couple… il est un homme à femmes, mais sa vie sera bouleversée par les actions de son épouse et par une rencontre. Une fois encore, ce portrait masculin est peut être un peu trop lisse pour moi. J’y retrouve trop de choses attendues. Lavinia par contre excelle à devenir détestable au lecteur : et c’est toujours un tour de force de rendre un être haïssable dans un roman sans tomber dans la caricature. C’est le cas ici : chacun de ses actes la rend puérile et versatile, mauvaise et rancunière, mais tout se construit patiemment jusqu’à ce qu’éclate son mauvais fond. Le crescendo est délectable et crée une véritable dynamique. Finalement, ses actions portent en grande partie le récit. En dehors de cela, j’ai beaucoup aimé le personnage de Mark: il est droit, fier, juste et il réfléchit. Fort de sa conscience et de son ardeur au travail, il est l’un des personnages les plus positifs… bien qu’on ne lui épargne pas grand chose, à lui non plus.

J’ai dévoré ce roman en deux après-midi, donc il est impossible de dire que sa lecture soit malaisée ou désagréable, loin de là. Pour autant, je ne suis pas pleinement convaincue cette fois-ci. J’ai malheureusement très vite compris comment les choses allaient tourner. Je n’ai pas vraiment été surprise par l’évolution des personnages ni par leur destin, et cela m’a un peu chiffonnée. J’ai eu l’impression de lire une version à la fois similaire et différente de Cassandra, et il faut dire que la recette est assez proche : des jeunes femmes pauvres, heurtées par la misère et la méchanceté humaine, la découverte d’un Ailleurs – de manière plus ou moins volontaire -, la question des enfants nés hors mariage, l’envie de refonder sa vie, de repartir de zéro, le choc des cultures, les embûches une fois arrivés en Australie… Bien entendu, tout ceci fonctionne très bien, et comme je le disais plus haut, mais j’aime être surprise, décontenancée et là, cela n’a pas été le cas.

Ainsi, si vous êtes fan de romances douces parcourues du souffle de l’évasion, jetez-vous sur Les Pionnières, si vous avez envie d’une lecture tranquille et dépaysante, ne boudez pas votre plaisir ; mais n’attendez pas forcément un soupçon d’originalité qui chamboulera vos sens de lecteur. C’est là mon vrai regret. En conclusion, Les Pionnières est une très agréable lecture, avec laquelle j’ai passé un doux moment, malgré la déception d’une structure déjà connue.

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