La Loi des hommes, Wendall Utroi.

J’ai beaucoup vu passer La Loi des hommes sur les réseaux sociaux et ce roman m’intriguait beaucoup. Etonnamment, la couverture me faisait penser à un livre sur l’Allemagne nazie… grosse erreur! Ce roman se déroule en France et en Angleterre, comme quoi, il faut toujours être curieux et essayer d’en savoir plus.

Jacques est cantonnier à Houtkerque, dans le Nord. Alors qu’il travaille, il découvre quelque chose d’étonnant dans la tombe centenaire de J. Wallace Hardwell. Sa vie en est bouleversé. Nous voici, comme lui, entraînés dans une enquête aux relents nauséabonds menée par un inspecteur de Londres. Crimes, passions, bas-fonds londoniens : la loi des hommes est implacable.

Ce roman est un bonheur à lire, osons le mot. La plume de Wendall Utroi est fluide et douce, ce qui est une gageure vu certaines thématiques abordées. Portés par cette plume, nous devenons bien vite les complices de Jacques et comme lui, nous souhaitons en découvrir plus sur ce Wallace. Alors même que Jacques a emprunté quelque chose dans une tombe (ce qui est assez dérangeant du point de vue moral), les premiers mots lus sur le paquet attisent tant notre curiosité, que nous sommes comme lui, avides de savoir. Nous brisons le tabou de respecter ce qu’un mort emporte avec lui, et brûlons de découvrir le secret qui lèverait le voile sur le mystère de la petite ville : la présence de cet Anglais ici. Lors de l’enquête au temps de Jack l’Eventreur, Wendall Utroi conserve cette plume au charme suranné, un mélange d’expression dandy, de politesse distinguée et de constat amer sur la société. En effet, qui dit plume douce ne dit pas plume aseptisée! Et l’auteur -comme Wallace- explorent les bas-fonds, remuent la fange, ils dévoilent pour nous les immondices de la haute société et les terribles extrémités auxquelles sont réduits les pauvres. Vous trouverez tout ici : prostitution, viol, agressions sexuelles et viols sur mineures, prostitution et homosexualité – chose qui choquait à l’époque de Wallace, époque où l’homosexualité était encore considérée comme un crime. Le plus malheureux pour nous, c’est que nous ne doutons pas que ces choses là aient existé : des filles forcées par le maître de maison, oui, des filles dupées et que l’on livrait aux appétits sexuels de vieux messieurs, oui, des jeunes hommes ou des jeunes femmes poussés par la misère à vendre leurs charmes, oui, un monde où les puissants s’en sortent toujours mieux que les pauvres : encore et toujours oui.

Le lecteur est happé par l’alternance entre les deux récits. Lorsque nous sommes avec Jacques, nous avons envie de retrouver Wallace et de comprendre. Le mystère qui entoure l’enquête de l’Anglais décuple notre intérêt : lui comme nous ignorons où cela nous mènera et nous suivons la chose comme la chronique d’un monde glaçant et violent que nous voyons apparaître sous nos yeux médusés.

La société londonienne est dépeinte sans fard et sans fioriture. Au contraire, le voile de l’hypocrisie se lève et laisse apparaître la face vérolée de cœurs égoïstes et assoiffés de chair – au sens charnel-, mais aussi assoiffés de pouvoir. Au cours de son enquête, Wallace met au jour la cruauté que les hommes peuvent exercer les uns contre les autres : certains vendent leur prochain, le piègent, s’emparent de leur dignité et de leurs espoirs d’avenir, sans scrupule. D’autres gâchent leur chance sans comprendre ce qu’ils avaient en main. La société est particulièrement cruelle pour les femmes , ne nous leurrons pas. Combien d’entre elles ont vu leur vie et leurs espoirs d’une vie convenable ruinés par la concupiscence d’un homme, par la complicité active d’une femme qui les a poussées dans le lit d’un monsieur? Mais surtout, combien d’enfants ont été violentées? Notre enquêteur en a des hauts le cœur. Lui qui appartient à la haute société ne subodorait pas tout ceci et son regard sur le monde en est irrémédiablement changé, bouleversant sa vie, comme celle de Jacques. Ce qui est particulièrement intéressant, c’est que cette enquête, cette prise de conscience a influé sur le passé (avec Wallace et son destin) mais qu’elle influe également sur le présent au travers de Jacques et de sa propre fille car leur relation se nourrit aussi de leur effroi face à ces découvertes.

Wallace est une figure d’enquêteur intéressante. Il est à la fois obstiné, ingénieux, rusé et parfois candide et naïf, surtout en ce qui concerne la marche des choses et le monde des puissants. Il est pétri d’idéalisme et de belles intentions… mais gare à ne pas se faire dévorer par ceux qui tirent les ficelles! Sa noblesse de cœur n’a d’égal que l’arrivisme d’autres personnages. Les autres enquêteurs sont assez peu détaillés : William et Christopher sont sympathiques, Howard, détestable quand il se révèle. Par contre, quel destin pour Myrtle River, Timothy et Rebecca Brianey ! Non seulement ces trois-là ont connu la descente aux Enfers, mais ils ont su aussi remonter usant de moyens assez peu honnêtes mais qui leur a permis de s’élever. Leur destin secoue par sa brutalité, par sa violence et par sa cruauté. Finalement, rien ne sera épargné à ces victimes qui se sont faites à leur tour bourreau.

Ainsi, j’ai passé un excellent moment avec La Loi des hommes. Ce polar a un charme délicieusement suranné, mais il porte des questionnements encore modernes sur la justice des hommes, sur l’équité, sur la place des femmes et sur leur oppression. Le lecteur est vite saisi de curiosité et les pages défilent entre douceur de la langue et horreur indicible du contenu, en un paradoxe qui nous touche et nous entraîne de manière implacable vers le dénouement. Un régal.

2 réponses sur « La Loi des hommes, Wendall Utroi. »

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