Femmes sans merci, Camilla Läckberg.

femmes sans merci        Quand un nouveau roman de Camilla Läckberg sort, ni ma mère ni moi ne sommes capables de nous retenir : sitôt acheté, sitôt lu et partagé. Nous sommes une fois de plus du même avis toutes les deux sur ce petit roman qui tient d’ailleurs plus de la longue nouvelle.

       Femmes sans merci retrace trois destins de femme : prisonnières de leur mariage, chacune souffre pour diverses raisons et souffre d’une vie devenue oppressante et mortifère. L’une a sacrifié sa brillante carrière pour un homme qui la trompe sans scrupule, l’autre n’ose pas être soignée de peur que son secret ne soit révélé, la dernière a connu la plus terrible désillusion des sites de rencontre et le doux mari espéré est un vrai salaud. Ensemble, elles échafaudent un plan pour sortir de l’enfer.

       La structure narrative du roman alterne les trois histoires. De chapitre en chapitre, nous découvrons le quotidien d’Ingrid, de Birgitta puis de Victoria. Chacune de ces vies brisées se plante dans notre cœur comme une écharde. Le drame de leur existence résonne bien douloureusement à mes oreilles de femme, et malheureusement, sous le nom des personnages, une myriade de femmes de la vraie vie prend forme : des femmes battues, des femmes rabaissées, trompées, humiliées et brisées, des femmes instrumentalisées, réduites au statut d’objet par un homme – violent physiquement ou psychologiquement. Si Birgitta, Victoria et Ingrid sont des êtres de fiction, leur double réel existe, un double plus ou moins proche. A l’heure où on essaie de plus en plus de faire entendre les voix des femmes, ce roman est d’actualité, par son fond féministe, même si, en toute honnêteté, il ne révolutionne pas le genre. Camilla Läckberg avait déjà amorcé ce renversement d’univers avec La Cage dorée, d’autres ont évoqué des destins de femmes aussi sombres.

        Ce qui rend le roman intéressant, c’est la solidarité et le soutien que trouvent ces femmes, là où on ne l’attendrait pas. Internet devient leur porte de sortie, l’entraide, leur arme. A elles trois, elles vont former le crime parfait, non sans doute, non sans peur. Elles sont de fait très humaines et ici, la victime devient bourreau pour essayer de prendre son envol et pour reconquérir la liberté perdue, et la dignité à laquelle elle aspire. Est-ce que leur choix est moral? Non, absolument pas. Est-ce que le lecteur les condamne, non plus. Ici, le détour par la fiction joue un grand rôle, car dans la vraie vie, nul doute que les gens envisageraient différemment les choix de nos héroïnes, mais dans un livre, comme dans les comédies classiques, les conventions littéraires nous permettent de mettre à distance et de savourer le temps du roman, la victoire de la victime sur la brute, l’ingéniosité de l’agnelle devenue louve pour dévorer l’impudent qui l’a sous-estimée. Et, grâce à cette innocuité littéraire, nous pouvons jubiler de voir ces femmes brisées renaître de leurs cendres, malgré toute la charge négative de leurs actions.

       Femmes sans merci se lit d’une traite, trop vite et laisse un peu le lecteur sur sa faim. L’écriture est fluide et agréable même si l’autrice n’épargne rien à son lecteur. Pour épouser la violence des propos masculins, la langue se fait crue, la violence est partout : dans les gestes, dans les paroles, dans la sexualité pensée comme asservissement et humiliation, réifiant la femme. En conséquence, ce n’est pas un roman à mettre entre toutes les mains, mais en même temps, cette langue correspond aux personnages mentionnés et trouve une justification dans l’essence même des êtres façonnés par la plume.

          Ainsi, Femmes sans merci est un roman court qui se dévore. Si j’ai regretté sa brièveté, l’ensemble fonctionne très bien et cela lui confère une rythmique propre. Ce n’est pas une lecture aussi enthousiasmante que d’habitude, car l’ensemble manque un peu d’épaisseur pour moi, mais cela reste une lecture estivale très plaisante mettant la thématique du féminin et de la vengeance au centre de tout. 

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