Il y a un an, je découvrais Sarah Lark avec L’île aux mille sources, une romance teintée d’aventures qui avait su me réconcilier (un peu) avec un genre littéraire que je ne goûte pas (du tout). Mon avis sur ce premier volet est ici. Cette année, au mois de juin, est sorti le deuxième volet L’île de la mangrove rouge.
L’île de la mangrove rouge met en scène la fille de Nora, Deirdre, une jeune fille à la beauté époustouflante, mais qui, à bien des égards balaye les conventions de l’époque. A l’âge où elle doit faire ses débuts dans la bonne société jamaïcaine, rien n’est simple, les prétendants se bousculent, mais un seul retient son attention : le docteur Victor Dufresne. Une nouvelle aventure s’ouvre alors, toute en rebondissements.
Tout d’abord, je pense que les deux livres peuvent être lus indépendamment, alors, bien entendu, sans avoir lu L’île aux mille sources, vous manquerez certains éléments et le secret de Nora, de Doug et de Déirdre vous paraîtra plus opaque. Mais, en réalité, les rappels nécessaires sont faits pour permettre de lire ce deuxième volet sans avoir lu le premier ; l’inverse est moins vrai car, vu les rappels, vous vous spoileriez une partie de l’histoire de Nora.
Dans L’île de la mangrove rouge, nous retrouvons l’atmosphère singulière des ces îles de plantations. Les backras, comprendre les planteurs, sont une fois de plus détestables : orgueilleux, méprisants de la vie de ceux qu’ils jugent inférieurs, ils nagent dans un luxe ostentatoire et de mauvais goût, entretenant une magnificence aussi ridicule que dispendieuse. C’est le sang de leurs esclaves qui imprègne les murs de leurs petits Versailles, c’est la souffrance d’un peuple qui ternit le lustre de leurs fêtes somptueuses, c’est la liberté et l’humanité bafouées qui font le lit des attaques. En effet, dans ce volet, les esclaves organisent des attaques de plantation et des empoisonnements, déclinant différemment la rébellion qui s’était jouée sur l’île de Nora et Doug.
La plume enlevée rythme le récit à merveille : la lecture a été une fois de plus d’une fluidité terrible. Sarah Lark donne à entendre le désespoir des esclaves, le caractère buté des planteurs, l’horreur indicible des pratiques des marchands d’esclaves. Son écriture sait se faire douce et tendre ou au contraire vibrante pour servir l’émotion tout en apportant un souffle d’aventure via la piraterie entre autres.
Il est indéniable qu’une bonne part d’aventure innerve ce roman. Les héros ne sont pas au bout de leurs surprises, et c’est encore plus marqué lorsque les deux fils narratifs se rejoignent. Déirdre va expérimenter l’amour, la passion, les doutes, la jalousie, les remords. Elle fera des choix, les mauvais parfois. Elle est souvent agaçante par ses attitudes d’enfant gâtée. D’ailleurs, si elle est très moderne sur la question des esclaves, sur le respect qui leur est dû et sur le nécessaire affranchissement de ses serviteurs, elle reste par moments capricieuse et égocentrique. Cela la rend moins touchante que ne l’était sa mère, Nora, dans le tome 1, et pour être honnête, Déirdre est la cause de ses propres malheurs à plusieurs occasions. Mais in fine, elle reste une héroïne attachante et d’une certaine manière, elle sait réparer ses torts et les reconnaître, même si c’est tardif. Victor Dufresne est, quant à lui, un héros particulièrement touchant : doux, gentil, doté de vraies valeurs humanistes, il réalise un parfait pendant à Doug, le mari de Nora. Mais nous retrouvons aussi Jefe devenu adulte… et il est tout aussi intransigeant, obtus et têtu que son père. Durant une bonne moitié du roman, ce personnage m’a agacée. Il ne pense qu’à lui et sème le chaos parmi ceux qui s’attachent à lui. Par contre, Bonnie, une jeune fille noire que nous découvrons ici, est terriblement touchante. Sa vie, les épreuves endurées, ses illusions amoureuses, jusqu’à ce qu’enfin, elle comprenne et abandonne son rêve mensonger, tout cela la rend hautement humaine et émouvante. C’est, je crois, mon personnage préféré dans ce volet.
Mon seul vrai bémol vient du triangle amoureux qui éclot dans ce roman. L’un des personnages se retrouve tiraillé entre deux amours, entre deux êtres que tout oppose, et je l’ai malheureusement vu venir à grands sabots. Cela fait partie justement des choses que je n’aime pas dans les romances, parce que ça donne lieu à une multitude de clichés. L’île de la mangrove rouge ne les a pas évités, mais, si j’ai levé les yeux au ciel et soupiré parfois, cela ne m’a pas poussée à poser mon livre. Je dirai donc que ce défaut (à mon sens, et c’est un goût personnel) ne ternit pas trop le plaisir pris à lire. A partir du moment où ce triangle amoureux se résout, nous repartons sur une base plus trépidante et moins sentimentale qui nous pousse en avant.
Ainsi, j’ai passé un très bon moment avec L’île de la mangrove rouge. Malgré une petite réserve, les personnages sont hauts en couleurs et attachants et l’histoire trépidante alliant le thème de la piraterie à l’esclavage apporte un souffle très particulier et très agréable au récit.