Shi, tome 1, Zidrou et Homs.

Shi, tome 1 : Au commencement était la colère... par Zidrou     J’ai acheté cette bande dessinée il y a un moment déjà… à sa sortie en fait, et puis, comme souvent avec moi, elle a un peu dormi dans ma bibliothèque avant que je ne l’attaque. Hier soir, je n’avais pas envie de commencer un nouveau roman, j’en avais déjà dévoré deux entre vendredi et dimanche, je voulais savourer autre chose…

    Pour cacher un scandale qui pourrait éclabousser l’Exposition Universelle, un nourrisson est enterré sans ménagement dans les jardins de l’exposition. Deux femmes luttent pour lever le voile sur cette indignité, et, de corruption en manipulation, leur destin se met en marche.

     Cette BD met en scène deux temporalités différentes. Tout débute à l’époque moderne avec un directeur d’entreprise cynique qui laisse passer une tragédie (un enfant tué par une mine antipersonnel) pour une regrettable affaire qu’on ne peut lui imputer… avant que son propre destin ne bascule. Puis nous plongeons dans le Londres de la fin du XIXe siècle. Au début, j’ai eu du mal à comprendre la structure du récit et je me suis sérieusement demandée où nous allions. Puis, comme je n’avais rien à perdre, je me suis laissée faire et j’en suis ravie car ce n’est en réalité qu’à la dernière page que nous comprenons le lien… et que notre curiosité est définitivement piquée! Je sais déjà, au terme de ce premier volume que je lirai la suite.

     Ce premier volume permet de poser les jalons de l’histoire et de poser un cadre : l’exposition universelle, le mépris pour l’Autre, celui qui vient d’ailleurs, la peur du scandale face aux intérêts financiers, et les femmes opprimées par les choix masculins.

       La question de la féminité, du féminin voire du féminisme apparaît grâce aux deux femmes au premier plan de ce récit : Jenifer et Kita. A priori, ces femmes n’étaient pas destinées à se rencontrer, mais la férocité des appétits masculins et le manque d’humanité de certains les rapprochent. Jenifer est une jeune femme qui détone dans la société du XIXe siècle. Elle a tout de la jeune noble gâtée – à qui on pardonne toutes les incartades et toutes les frasques. Pour autant, elle n’est ni capricieuse ni arrogante. C’est une femme entière qui sait ce qu’est l’amour d’une mère, qui veut faire ce qui est juste… quitte à en subir les conséquences. Kita symbolise l’Ailleurs, méprisé par les puissants londoniens entre racisme et misogynie. Ces deux femmes se battront pour la dignité humaine, pour leurs droits et perdront tout – chacune à sa manière. Leur destin est alors scellé. Nous comprenons à demi mot que la souffrance sera là, tout au long de leur vie – deux vignettes suffisent pour traduire la tragédie de leur destin respectif. Leurs désirs et leur volonté de femme seront niés, réduits en miettes, mais leur esprit, leur soif de vengeance s’en trouvera décuplée… Le terreau pour une formidable épopée féminine est là!

      Dans cette BD, toutes les figures masculines sont détestables, à l’exception de l’oncle de Jenifer. Son père, le pasteur, la société secrète des Erès, le chef de l’Exposition Universelle… autant d’hommes qui se rengorgent de leur pouvoir, de leur autorité, et qui considèrent la femme comme un objet de désir, un objet soumis à leurs caprices d’homme. Ils usent de leur pouvoir, mentent et manipulent. Le dessin divulgue leurs mensonges, leurs bassesses et leurs traitrises, rendant encore plus insupportables leurs paroles mielleuses et mensongères, qui ne nous trompent finalement pas sur la misogynie de l’époque. En cela, le dessin s’allie parfaitement aux mots et vient toucher le lecteur au plus profond de ses entrailles.

     Enfin, j’ai adoré le coup de crayon dans cette bande dessinée. Les visages sont terriblement expressifs, les vignettes regorgent de détails concernant le décor, le paysage, l’architecture, les tenues… et c’est particulièrement agréable. J’aime la précision de ce trait, la dimension réaliste qui permet de nourrir notre imaginaire. Attention néanmoins, certaines scènes sont crues, comme le sont certains mots – majoritairement autour des hommes et de leur manière d’envisager la sexualité et la place de la femme. Cette bande dessinée est donc destinée à un public adulte.

      Ainsi, j’ai été particulièrement touchée par ce premier volume, et, arrivé au terme de ma lecture, je comprends le titre « Au commencement était la colère ». La situation de ces deux femmes m’a atteint en plein cœur et m’a arraché les tripes. L’histoire est trépidante et nous emporte aux côtés de femmes qui finiront brisées mais qui- nous le savons déjà – renaîtront de leurs cendres, telles deux phénix qui se feront Némesis pour punir de leur juste colère ceux qui le méritent! Je suis conquise. 

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