L’Héritage de Cassandra, Anna Jacobs.

  L'héritage de Cassandra*** par Jacobs     Il y a un an je découvrais le tome 1 de Cassandra, puis, il y a quelques semaines, je dévorais le tome 2… Et voici que les éditions de l’Archipel publient le tome 3! Ni une, ni deux, je me suis jetée sur la fin de la trilogie.

      Dans ce troisième opus, Xanthe et Mia, les sœurs de Cassandra, sont à un tournant de leur vie. Mia, gouvernante, est tombée amoureuse de son patron, Xanthe, quant à elle, rêve de voyages et d’aventures. Tout l’enjeu du roman est de savoir comment les jumelles supporteront ces aspirations contraires et comment leur avenir évoluera au gré des nouvelles rencontres et des jeux du destin.

      Comme ma lecture de Cassandra et ses sœurs était encore toute fraîche – et que j’avais encore bien en tête ce qui m’a chagrinée-, je m’attendais à retrouver au début de ce tome 3 un rappel un peu lourd des faits antérieurs… Eh bien non! A ma grande surprise et pour mon plus grand bonheur, Anna Jacobs replace subtilement les éléments clefs et nous permet de lire ce dernier volume dans une continuité directe, sans impression de redite. Cela a donc été un vrai plaisir de me replonger dans l’arrière-pays australien aux côtés de jeunes femmes que l’on ne peut qu’apprécier.

      Ici, les jumelles prennent la première place. Cassandra et Pandora – au bonheur bien établi- s’effacent pour laisser s’épanouir Xanthe et Mia. Les jumelles sont d’ailleurs des personnages très attachants que j’ai adoré découvrir plus avant. Mia reste la douce et tendre jeune femme, aux sentiments débordants, tandis que sa sœur est impétueuse, fougueuse et plus dure d’une certaine manière. Pour autant, chacune est sûre d’elle et obstinée. J’ai aimé ces portraits de femme finalement en avance sur leur temps : elles savent ce qu’elles veulent et font fi de la société ou de l’opprobre. Elles se donnent les moyens d’accomplir leurs rêves et ne se satisfont pas de demi-mesure frustrantes, quitte à entreprendre des projets fous pour leurs contemporains. D’une certaine manière, le lecteur peut trouver en filigrane tout un questionnement sur l’égalité homme-femme, notamment par le biais des femmes voyageant seules. Malheureusement, nous trouvons encore une résonance à l’époque moderne à ce questionnement… Finalement, quelle femme n’a jamais été importunée lorsqu’elle se promenait seule? La question de la place de la femme trouve avec Xanthe une place plus prépondérante, mais Mia, à sa manière, apporte aussi sa pierre à l’édifice. Nous avons donc un arrière fond – discret mais résolument féminin et féministe dans ce livre.

      Alors oui, dans ce volet, nous retrouvons la même structure que dans les deux premiers. Cela peut en bloquer certains, mais je pense personnellement que cela tisse le lien entre les tomes. Puisque chacun met à l’honneur l’une des sœurs, il faut trouver un autre fil conducteur : ce sera l’Australie, la découverte des aspirations profondes de chacune, les obstacles à surmonter jusqu’à la résolution. Par voie de conséquence, nous retrouvons ici un personnage haïssable… une femme de nouveau qui se dresse sur la route d’une des jumelles, haranguant les autres, les écrasant de sa superbe. Une fois encore, l’autrice réserve à ce personnage un sort à la hauteur des sentiments qu’il fait naître chez le lecteur. Pourtant, je trouve ce méchant plus humain que dans les autres tomes. In extremis nous apprenons aussi à quel point ce personnage a souffert, a été manipulé, foulé aux pieds -même- par un homme. Finalement, sous ce monstre féminin se cache un monstre masculin, mille fois pire, qui a fait de cette infortunée une marionnette. J’ai trouvé vraiment intéressant qu’on ne reste pas sur un personnage monolithique. Enfin, un dernier bourreau se glisse entre ces pages car chacune des sœurs a droit à son parcours semé d’embûches.

       Je m’attendais à un peu plus d’aventures avec Xanthe, en terme de voyages, et pourtant je ne suis pas déçue. Notre intrépide demoiselle fait des haltes au gré de sa traversée et en profite pour se familiariser avec les goûts, les odeurs, les tenues locales. Son ouverture d’esprit-comme celle de ses sœurs d’ailleurs – est une bouffée d’oxygène. Mais la vraie aventure réside aussi ailleurs : dans l’acceptation d’un tournant inattendu que prend sa vie, dans la capacité à reconnaître un sentiment qu’elle aurait préféré renier, dans la prise en main de son destin, sans se soucier des conventions sociales.

     Je reconnais bien volontiers que je préfère Xanthe à sa sœur. J’aime son franc-parler, son audace et son courage. Mia est presque trop tendre pour moi, même si elle n’est ni mièvre ni niaise pour autant.

     Je le dis et le redis, moi qui n’aime pas les romances habituellement, j’aime cette trilogie parce qu’il n’y a pas d’effusions de bons sentiments à outrance, qu’il n’y a pas de scènes basculant dans l’érotisme, pas de vulgarité ou de longues descriptions de scènes d’amour. La pudeur parcourt les pages, l’amour physique bien sûr est mentionné mais drapé du voile de la retenue et je trouve cela appréciable. Le roman met d’ailleurs plus en avant le caractère hors norme des sœurs, leurs goûts et leur détermination que la romance au sens strict.

      Ainsi, je quitte l’univers imaginé par Anna Jacobs mais avec un petit pincement au cœur. Par sa plume l’autrice a donné à entendre un monde dans lequel nous nous immergeons avec plaisir. Ses personnages féminins sont hors normes et c’est agréable. Ces femmes ont su faire entendre leur voix et se sont choisi une vie qui leur ressemble par-delà les continents, par-delà les conventions. J’aime la douceur qui irrigue malgré tout ces pages et l’amour qui lie les quatre sœurs, fil invisible mais ô combien tangible. Enfin, j’adore la structure de la trilogie : chaque tome est un renouveau qui a un petit goût de connu allié à une saveur nouvelle, épicée et piquante… à l’image des sœurs Blake, finalement!

Laisser un commentaire