Block 46, Johana Gustawsson.

Block 46 par Gustawsson        J’ai découvert Johana Gustawsson avec son deuxième roman, Mör, sur un malentendu (la chronique est parue il y a un petit moment déjà). Comme je l’avais adoré pour sa complexité et son caractère glaçant, je me suis procuré Block 46, immédiatement après l’avoir lu. Il était grand temps que je le sorte de ma pile à lire, plus d’un an après l’y avoir glissé!

     En Suède, à Falkenberg, on découvre le corps d’une femme terriblement mutilée. Emily Roy y est dépêchée car des corps mutilés ont aussi été retrouvés à Londres, les yeux énucléés, la trachée sectionnée, un étrange symbole gravé sur le corps… Un tueur insaisissable au terrain de chasse hors norme. Une enquête au cœur du sordide. Emily retrouvera à cette occasion Alexis Castells, et, à deux, elles vont remonter aux sources du mal.

       Quel plaisir de retrouver les personnages imaginés par l’autrice! Autant l’entrée dans Mör m’avait semblé ardue (forcément, je ne connaissais rien du passé commun des personnages!), autant cette fois-ci cela a été d’une fluidité parfaite. J’ai adoré retrouver Alexis Castells et Emily Roy dans une enquête à la fois dense et prenante. La grande force de ce récit est une fois de plus d’allier trois moments narratifs : le présent de l’assassin, le présent de nos enquêtrices / héroïnes et un récit qui se déroule dans les camps de concentration, à Buchenwald. Il est quasiment impossible pour le lecteur de faire le lien entre ces éléments avant d’avoir dévoré les trois quarts du roman, et cela titille notre curiosité ! Tout du long, l’autrice nous donne des indices discrets, saupoudre des éléments clefs et prépare des renversements de situation déroutants et savoureux. Pour être parfaitement honnête, je n’ai pas vu venir la véritable identité de l’assassin ni les détails sur sa famille, et je suis tombée des nues. Une fois la surprise première passée, force est de constater que ça marche à la perfection. Les révélations sont plausibles et, pour certaines, nous nous demandons même pourquoi nous ne les avons pas anticipées! Souvent, les personnages secondaires acquièrent une importance capitale à un moment donné, quand nous ne nous y attendons pas, et cela permet de relancer la tension dramatique. La construction du roman est donc parfaite : savoureuse, haletante. Les chapitres passent et filent entre les doigts et nous poussent en avant. Lorsque nous lisons un chapitre sur Erich Ebner dans les camps, nous avons hâte de savoir comment le relier au reste…. et quand nous lisons les passages sur l’enquête moderne, nous avons hâte de savoir ce qu’il adviendra d’Erich. Ainsi, il n’y a pas de moment creux car tout prépare la résolution de l’intrigue.

      J’ai beaucoup aimé la construction de la figure de l’assassin. (Je formulerai ça de cette manière pour ne pas spoiler les potentiels futurs lecteurs.) Il y a une réelle recherche dans la manière de construire son lien aux autres mais aussi dans l’évolution de sa folie. Il n’est pas caricatural bien que monomaniaque et son enfance a aussi conditionné sa barbarie. Nous avons des êtres consumés par leur projet atroce, emportés loin du monde des hommes Certains passages sont donc tout bonnement glaçants parce qu’ils sont crus bien sûr, mais aussi parce qu’ils sont d’une cruauté et d’une horreur sans borne. La problématique est tissée de petits détails qui font froid dans le dos et qui donnent leur pleine puissance à l’horreur de cette entreprise morbide.

      Une fois de plus j’ai aimé Emily Roy qui reste une femme non conventionnelle. D’une précision objective, sans demi mesure, sans atermoiement, elle heurte et choque les conventions sociales dont elle fait fi, intéressée seulement par l’efficacité du travail. J’apprécie que l’héroïne soit une femme, imparfaite, rongée elle aussi par ses fantômes, sûre d’elle et brillante dans son domaine. Elle est attachante et pour une inexplicable raison, j’ai toujours envie d’en savoir plus sur elle. De plus, l’autrice ne l’épargne guère et lui réserve de mauvaises surprises (et c’est un euphémisme!). Alexis Castells est elle aussi émouvante : sa soif de comprendre ce qui est arrivé à son amie est tout à son honneur.

     Enfin, la plume de l’autrice est d’une grande fluidité. La lecture est véritablement aisée malgré les éléments durs. J’ai eu le bonheur de découvrir aussi certains mots que je ne connaissais pas -ou que j’avais oubliés- comme « cachectique ». Alors bien sûr, je les comprends en contexte, mais c’est toujours un plaisir d’aller après vérifier dans un dictionnaire et de se sentir enrichi, même par une lecture- détente qu’est un polar.

       Vous l’aurez compris, j’ai adoré Block 46. Ce thriller est une excellente lecture : un tueur qui fait froid dans le dos, une enquête dense qui puise l’origine de son horreur dans un passé aussi glaçant que terrible, des enquêteurs originaux que j’ai eu plaisir à retrouver. Redoutablement efficace. Âmes sensibles s’abstenir. 

 

 

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