J’ai reçu les épreuves non corrigées de La Neuvième tombe dans le cadre d’une masse critique Babelio que je remercie : cela m’a permis de découvrir un nouvel auteur suédois et j’en suis ravie car j’affectionne les polars du Nord. La date de parution officielle est proche : la 4 septembre.
Le résumé donne envie de plonger dans l’enquête : par une nuit froide, le ministre de la Justice disparaît à Stockholm. La même nuit, au Danemark, l’épouse d’un célèbre présentateur est violée puis assassinée. Bientôt, d’autres corps terriblement mutilés apparaissent dans chacun des deux pays. Fabien Risk en Suède et Dunja Hougaard au Danemark mènent l’enquête mais ne se doutent pas encore de ce qu’ils mettront au jour.
L’écriture de ce roman est agréable : bien que n’ayant jamais lu d’oeuvre de Stefan Ahnhem, je n’ai eu aucun mal à entrer dans l’histoire, tous les éléments dont nous avons besoin nous sont donnés, les rappels sont faits. Par contre, certains passages sont un peu salés, notamment les descriptions de crimes passés et présents et les agissements de l’assassin. Âmes sensibles s’abstenir!
Ce roman est un joli pavé de presque 700 pages qui nous entraîne dans une enquête des plus complexes sans nous laisser de répit. Entre crimes effroyables, violence débridée, mobile en apparence inexistant, enquêtes qui s’entremêlent, s’enferrent et s’embourbent en fonction de l’ego de certains enquêteurs, le lecteur est maintenu en haleine. En effet, même si j’ai compris la motivation du tueur lorsque certains indices sont apparus, j’ai été surprise par son identité, par sa ressource et par son plan. Ainsi, il n’y a pas eu de déception liée à la figure de l’assassin. Elle est particulièrement travaillée. Le coupable est à la fois méthodique, organisé -presque calculateur – et son brio macabre est tout à fait bluffant. Le lecteur n’a de cesse de lire, de suivre les avancées, de s’étonner et de chercher la cohérence d’ensemble. La lecture est donc résistante et prend du temps. Cette densité n’est pas du tout rébarbative, au contraire, et les chapitres concernant Efraim intriguent encore davantage car ils semblent de prime abord complètement déconnectés du reste. Enfin, les enquêtes sont vraiment intéressantes. L’auteur ménage des fausses pistes et des renversements de situation savamment construits. Il y a là un vrai montage romanesque étudié, préparé et ciselé pour tirer un maximum de saveur de la complexité. L’ensemble est efficace.
Pourtant, le revers de cette inextricable pelote est facilement décelable : nous avons tendance à nous perdre dans les personnages qui foisonnent. Il faut un peu de temps pour se familiariser avec les enquêtes, et même lorsque c’est fait, j’ai eu parfois du mal à ne pas confondre les enquêtes suédoise et danoise. Certains détails m’ont un peu gênée aussi parce qu’ils ne sont pas très crédibles. Le personnage de Malin est attachant, mais la voir courir après un bus sur trois arrêts alors qu’elle est enceinte jusqu’aux yeux me paraît exagéré, je ne suis pas certaine non plus qu’une femme enceinte participe à une interpellation possiblement dangereuse sur le terrain… mais n’étant pas réellement compétente sur ce domaine, je m’abstiendrais de commentaire plus précis.
Les personnages sont intéressants. J’ai apprécié que la vie des enquêteurs et la vie de la brigade affleure, cela apporte une épaisseur et permet de donner du réalisme. Fabian est un policier compétent, la plupart du temps, et dépassé par sa vie de famille qui part à vau l’eau. J’ai aimé l’esprit combatif de Dunja : contre vents et marées, elle se démène pour résoudre son enquête, fait appel à ses homologues étrangers, suit son intuition et flaire le coup monté. C’est un personnage attachant, les embûches qu’elle rencontre dans le monde professionnel sont malheureusement réalistes. Ces enquêteurs sont épaulés par leurs collègues d’où l’abondance de personnages. Mais en réalité, les deux brigades sont construites en miroir inversé et se font donc cruellement écho : celle de Fabian et Malin est soudée et travaille de concert malgré un grain de sable dans l’engrenage, celle de Dunja est un vrai nid de guêpes qui lui met des bâtons dans les roues et la met carrément en danger. J’ai néanmoins un bémol concernant les personnages. J’ai trouvé le personnage de Niva caricatural : autant, elle est brillante et indépendante, ce qui est toujours agréable chez un personnage féminin, autant la facette « belle femme, croqueuse d’hommes, intéressée par la séduction et le sexe » m’a vite agacée. Je n’ai pas réellement vu l’intérêt de ce pan de sa personnalité, hormis le fait que cela insiste sur le couple en sursis de Fabian Risk.
Enfin, jusqu’aux cent dernières pages, je pensais que mon avis serait exclusivement positif… pourtant, la fin me laisse un petit goût un peu amer. Je ne suis pas particulièrement adepte des happy end et ici nous avons tout ce qu’il nous faut en terme de drames, de rebondissements et de tension. Jusqu’à l’épilogue, j’ai été tenue en haleine et j’ai été surprise par les réactions des personnages. J’aurais parfois préféré qu’ils agissent différemment, mais malgré tout, cela fonctionne. Ce qui m’a réellement dérangée, c’est le chapitre intitulé « X ». Je ne comprends pas le lien avec le reste. J’ignore de qui on nous parle et je l’ai relu deux fois sans en comprendre l’intérêt par rapport à ce qui précédait. Je vois bien venir l’amorce du tome suivant, bien entendu, mais placé ainsi, en fin d’ouvrage, cela a juste réussi à me déconcerter et à me laisser sur ma faim en brouillant un dénouement qui, par ailleurs, était plutôt efficace.
La Neuvième tombe est donc une bonne lecture. L’enquête est résistante à souhait et nous glace par l’horreur qui se dégage d’entre les pages. Néanmoins, des détails m’ont titillée et expliquent que je ne sois pas totalement séduite.
Il me tentait mais 700 pp., je passe mon tour; il y aura forcément des blancs et ton avis semble le confirmer. Merci de m’épargner cette lecture.
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