Je mourais d’envie de lire Mörk de Ragnar Jónasson… et ma langue a fourché sur le titre si bien que l’on m’a offert Mör de Johana Gustawsson. Regrettable erreur, me direz-vous ; vrai bonheur vous répondrais-je ! Sans cette mégarde, je serais passée à côté d’une pépite!
Mör s’avère être un roman complexe, dense et intense. Le titre est programmatique : « mör » signifie « tendre » pour parler de la viande… De quoi vous glacer le sang avant même d’avoir entamé la lecture. Un régal! (sans mauvais jeu de mots…) Dans ce roman, nous suivons plusieurs fils à travers les siècles. D’une part, dans notre monde moderne, un enlèvement a eu lieu à Londres, un corps dépecé a été trouvé en Suède. Les indices sont rares et les enquêteurs sont sur les dents : Karla Hansen et son équipe en Suède, la profileuse Emily Roy et une équipe de policiers à Londres. A cela s’ajoute une nuée de fils, en apparence secondaires : d’une part, le vieux dossier de Richard Hemfield, peut-être innocent d’une partie des crimes dont on l’accuse, et d’autre part, la vie de Freda à Londres en 1888, à l’époque où sévissait Jack l’éventreur…
Autant le dire, au début, je me suis trouvée délicieusement perdue au milieu de tous ces êtres car Johana Gustawsson parvient à créer une véritable galerie de personnages hauts en couleurs, tous différents, amusants, captivants, agaçants, repoussants pour certains… et elle fait cristalliser notre compassion sur cette pauvre Freda qui se démène dans une existence des plus sombres, en des temps troublés. Nous craignons pour elle, nous frémissons et nous assistons à sa chute…
Cette oeuvre a de nombreux atouts. Comme l’auteur déploie des vies entières sous nos yeux, l’agneau peut devenir loup et il ne faut pas se fier aux apparences, détail qui a son importance et qui est source d’inépuisables rebondissements! Plus savoureux encore : nous cherchons en vain un indice, le lien entre toutes ces affaires morcelées. Les fils ne cessent de s’enchevêtrer, de se croiser, et cela finit par venir bout de nos talents de déduction (des miens en tout cas!). Reste alors le bonheur de se laisser porter, surprendre et de frémir d’horreur devant l’implacable machine qui se met en place.
En effet, les événements relatés ne laissent pas indifférents. Les crimes sont atroces, osons le mot. Certains personnages sont en tout points détestables, d’autres le deviennent progressivement, une petite poignée nous est très sympathique. Le monde créé est donc particulièrement riche. Les duos d’enquêteurs fonctionnent à merveille et donnent lieu à des échanges savoureux et détonants. J’ai d’ailleurs une tendresse toute particulière pour Emily Roy dont la diplomatie avoisine le zéro absolu, (tout comme Alénior Lindbergh) mais aussi pour Alexis Castells, une femme brisée par les crimes de Hemfields mais qui se reconstruit contre vents et marées.
Enfin, une des plus belles réussites de l’auteur est d’avoir su ménager le suspense jusque dans les dix dernières pages. Elle a réussi à me surprendre de main de maître et je suis restée transie et sidérée par ce que je découvrais.
Ainsi, ce thriller est parfait! Crimes sordides et glaçants, perversité du bourreau, enracinement du mal et exploration d’un passé trouble, tâtonnement et frustration des enquêteurs, tous les ingrédients sont réunis pour nous perdre dans un effroyable labyrinthe et pour nous laisser pantelants, sonnés et interloqués par une fin aussi inattendue que terrible. J’en redemande!
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