Astra Saga, Philippe Ogaki, tomes 1 et 2.

J’ai eu un coup de cœur pour les couvertures de ces bandes dessinées que je trouve très chouettes. Elles attirent l’œil par l’effet de cadre en dorure, et la posture des personnages, de trois-quarts, en plein mouvement laisse présager des aventures. Il n’en faut pas plus pour aiguiser ma curiosité. Certains diront qu’elles sont un peu baroques, mais justement, je leur trouve une belle identité, ainsi.

Le récit se passe dans la galaxie. Des êtres d’une puissance sans nom s’affrontèrent et s’exterminèrent mutuellement, créant un Ragnarök qui détruisit une partie de la galaxie. Les espèces survivantes ont reconstitué leur monde, sur les ruines restantes, se sont alliées en un Empire qui prospère ; mais le temps passant, les récits du passé s’oublient, les intérêts personnels des uns et des autres fragilisent l’Empire et la belle union des débuts s’effrite en des luttes intestines fratricides.

LE TOME 1. L’OR DES DIEUX.

Ce premier volet permet de poser le récit et nous fait débuter au cœur de l’action. C’est une stratégie efficace car cela pique notre curiosité. Un mystérieux chargement doit être intercepté, les soldats sont envoyés comme chair à canon, leur vie étant considérée comme peccadille face au danger que représente l’objet à récupérer.

En parallèle, nous découvrons le passé de Sey, l’un des soldats. Une vie douloureuse, d’orphelin des rues, condamné à voler pour assurer sa survie, larcins commis au profit d’un homme d’affaires peu recommandable. Mais Sey a un instinct de survie implacable : il veut s’en sortir, et s’en donne les moyens, au péril de sa vie. Une bonne dose d’audace, de la chance, des mésaventures parfois cruelles et voilà notre gamin des rues soldat de l’Empire. C’est un soldat entraîné, courageux et doté d’une vrai sens tactique. Il est particulièrement touchant. Ses amis sont eux aussi hauts en couleurs. L’un fanfaronne, l’autre est plus discret mais tout aussi doué. Ce trio se sort de toutes les aventures et avec son sens du travail en équipe, sa capacité d’entraide et son talent militaire, il fait la différence lors des combats. J’ai beaucoup aimé apprendre à connaître ces trois- là.

J’ai également beaucoup aimé découvrir la baronnie Dansner. Hlin est une jeune fille des plus attachantes. Nous la découvrons enfant : elle est vive, pétillante, intelligente et effrontée, mais dans les limites que lui permettent sa place. Son frère, par contre, est un monstre d’arrogance et de suffisance. Nous comprenons d’ores et déjà que ces deux-là ont un vrai rôle à jouer dans la suite. Cela attise notre curiosité.

Ce qui m’a beaucoup plu dans ce tome, ce sont les références littéraires et culturelles que nous pouvons déceler : pour la Ragnarök, l’allusion à la mythologie nordique est plus qu’évidente, un clin d’œil à Oliver Twist de Dickens peut se repérer. L’ensemble m’a fait penser à Star Trek également pour plusieurs raisons : l’Empire, les combats galactiques, les différents peuples rassemblés formant des équipages de vaisseau bigarrés. A cela s’ajoute une dimension supplémentaire puisque nous voyons poindre des complots, des tentatives de prendre le pouvoir lentement mais sûrement pour renverser l’Empire et réveiller les Anciens dieux. Cette saga offre donc une pluralité d’influences et donne au lecteur un panel varié de sensations, de découvertes savoureuses et intéressantes.

Pour ma part, j’ai apprécié les graphismes. Les personnages, quelque soit leur espèce, sont expressifs, les scènes de combat suggèrent parfaitement la violence, la vivacité et le mouvement. J’ai beaucoup aimé les jeux de contrastes dans les représentations des planètes : les planètes abritant le petit peuple et les contrebandiers forment une antithèse parfaite aux palais flottant des nobles. Les unes sont sombres, déchirées de structures métalliques, de foreuses et laissent une impression d’industrialisation sauvage et dévastatrice tandis que les autres ressemblent à des petits Eden, des bulles de douceur où la nature préservée peut s’épanouir. Ainsi, les planètes elles-mêmes deviennent le double des habitants, et exacerbent les inégalités entre les classes sociales en les matérialisant avec une évidence cruelle.

Cependant, il y a un bémol. Il est au début très compliqué de se repérer dans les époques, les lieux, la mythologie décrite. Les Ases, les Jötuns, l’Aegir, le Steinn sont autant de noms, d’entités que nous croisons et avec lesquelles nous avons besoin de nous familiariser. Cela rend la lecture un peu ardue au début.

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LE TOME 2. Le Sang des dieux.

Dans ce deuxième volet, nous découvrons davantage Hlin. J’ai adoré la suivre, la voir grandir. De petite fille maligne et curieuse, elle devient une jeune fille avisée, sage mais aussi impétueuse et passionnée. Sa soif de découvertes et de connaissances en fait un personnage attachant, d’autant que, si elle se sait lucide et perspicace, elle garde par moment une candeur rafraîchissante. Nous sentons qu’un secret plane autour d’elle et nous n’en comprenons la teneur que dans les dernières pages. Cela rend le volet très intéressant. Hlin est véritablement un personnage riche, que nous prenons plaisir à découvrir.

Son frère est également très présent ici. Ce grand benêt imbu de lui-même nous agace. Je pense même que le lecteur prend un malin plaisir à le détester. Du reste, peu de monde entre ses pages le tient en estime… sauf peut-être les courtisans qu’il entretient et avec qui il fait les quatre cent coups.

La menace dans Le Sang des dieux se fait plus pressante. Nous découvrons les tenants et les aboutissants de l’ichor : son utilisation, son origine, et nous constatons, étonnés, que le réveil des dieux est encore possible… pour le meilleur peut-être, mais surtout pour le pire. Les luttes de pouvoir, les complots se dessinent avec plus de précisions également : la noblesse rue dans les brancards, essaie de se débarrasser du joug de l’Empire, se tourne vers des mouvements sectaires – or, sous leurs beaux discours, tous -en réalité- ignorent ce qui adviendra si ces gens parviennent à leurs fins.

J’ai préféré l’atmosphère générale de ce tome. Il y a plus de roueries, plus de manipulations, plus de faux-semblants, plus de chausse-trappes, plus de pièges à déjouer. Nous sommes ici dans une dynamique plus politique, alors que le tome 1 était dans l’action militaire. D’ailleurs, nous retrouvons Sey bien embarrassé car, sorti de son monde de soldat, il peine à naviguer dans les eaux troubles de la Cour.

Ce deuxième tome annonce de beaux rebondissements pour la suite. Sey semble pouvoir résister à l’ichor, et nous paraît déjà devoir jouer un rôle clef dans le dénouement. Quant à Hlin, elle semble dotée de capacités hors normes, la plaçant elle- aussi au premier plan dans l’affrontement à venir, même si peu de monde ne semble la voir pour ce qu’elle est.

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Ainsi, nous avons deux tomes dotés d’une identité propre. Chacun a une dynamique interne intéressante, qui apporte quelque chose d’unique à l’ensemble. Cela permet aussi de se concentrer à tour de rôle sur l’un puis sur l’autre des personnages clefs, de poser les bases pour un affrontement que nous devinons à la fois sanglant et déterminant. Les influences que nous percevons rendent cette lecture très agréable par le jeu intertextuel que nous décryptons, mais cela reste un univers avec lequel il est difficile de se familiariser au début.

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