Les Princes du feu, J. Robin.

Les Princes du feu est une nouveauté se septembre des éditions Plume blanche, une maison d’éditions chère à mon cœur. Ce joli petit pavé n’avait pas trouvé sa place dans ma pile à lire du Pumpkin Autumn Challenge, alors j’ai remédié à ce souci. Il intègre le menu Automne des mystères et me permet de valider la catégorie « En avant Yvette, tempête ». Les Princes du feu couvre quasiment tous les mots clefs : voyage, artefact et aventures. C’est parfait. Cela ne m’empêchera pas de lire plus tard Moonshadow bien entendu.

Le roman nous offre pour une fois chez Plume Blanche une quatrième de couverture très détaillée. Peut être même trop. De fait, elle m’a induite en erreur sur certains aspects du roman et cela m’a agréablement surprise! Je glisserai donc juste quelques mots ici : deux frères que le temps a séparé, deux caractères bien distincts mais unis par une tragédie dans l’enfance. Un prince héritier fantasque qui se heurte à son cadet sérieux et désireux de bien faire, mais sous les divergences, un amour fraternel hors norme qui les pousse l’un comme l’autre à faire des folies : pactiser avec un Djinn, partir en quête d’aventures, et pour chacun, le désir viscéral de sauver l’Autre.

Le prologue de ce roman donne le ton : un Orient magique, des Djinns, une urgence, des morts, une tragédie qui laisse des traces indélébiles et scelle des destins. Cela permet de ferrer le lecteur et de nous intriguer. Ensuite nous basculons sur le présent : l’histoire du prince Kyllian et du prince Samir, accompagnant leur père dans le royaume du Nord pour un accord de paix. Les années ont passé, l’urgence semble être derrière, et pourtant… si les hommes savaient. Rien n’est fini, tout commence.

Tout au long du roman, j’ai particulièrement aimé la relation entre Kyllian et Samir. C’est une relation faite d’amour non dit, de blessures profondes, de manque de confiance en soi, de respect de l’autre et mais surtout, c’est une hantée par les fantômes du passé. C’est un lien fraternel à la fois fragile et puissant, un lien qu’on nie mais qu’on retrouve constamment à la base des actes de chacun. Kyllian est l’éternel plaisantin, celui qui cache ses failles sous le masque du rire, de la désinvolture et de la légèreté, mais il est aussi le courageux – voire téméraire- qui ose toutes les folies pour ceux qu’il aime, il est l’être qui ne tergiverse jamais avec son amour, il est d’une humanité terrible, profonde et touchante. Samir est son opposé : sérieux à l’excès, il a intériorisé les règles et compense un manque de confiance en lui par une ardeur à apprendre, une soif de faire les choses bien, un désir ardent d’être à la hauteur et de ne décevoir personne. Pourtant, sous son voile de rigueur, il reste un petit garçon terrorisé, qui a peur de l’abandon et qui aime tant l’autre qu’il en perd son discernement. Comme Kyllian, il est faillible et donc éminemment humain. Ces deux princes offrent donc une diversité savoureuse et ils portent le récit par leurs aventures et leurs déboires.

Le relation des deux frères fait pendant à la relation Cora / Eléanor : un lien sororal étrange, brutal, mais aussi plein d’une tendresse brute que l’on ne sait pas exprimer. Les deux jeunes femmes n’ont pas été épargnées par l’autrice : leur passé fait frémir, leur présent n’est pas tendre. Pourtant, au milieu de tout cela, elles vont changer, grandir à leur façon tout en restant elles-mêmes. Cora est un personnage que j’ai adoré : butée, déterminée, franche et aussi terriblement consciente des risques qu’elle prend, elle porte en elle une belle humanité. Elle est capable de s’ouvrir aux autres et de s’attacher, là où sa sœur est plus dure, plus fermée. La loyauté reste le ciment qui les unit. Par delà les conflits, par delà les divergences d’opinion, par delà l’orgueil, chacune est capable de jeter un vrai regard sur l’autre. Leur amour est plus brut, moins poli, mais il n’en est pas moins fort. C’est un amour que l’on n’a pas su arroser pour le nourrir, que l’on a eu peur de chérir car on est habitué à tout perdre, mais un amour fondateur malgré tout.

Le roman offre une très belle diversité d’aventures et de personnages : aventures dans les terres, aux confins des zones habitées, dans des lieux hantés par l’ombre des Djinns ; aventures sur des îles presque vierges, à la rencontre de créatures mythiques ; aventures sur les mers contre ou aux côtés de pirates hauts en couleurs. Il y a donc des combats, des alliés inattendus, des traîtres, des jeux de pouvoir et de la manipulation, le tout sur un fond d’exploration du monde. A cela s’ajoute toute une mythologie qui permet de créer un univers dense : les dieux de chaque peuple, les Sorcières des mers, les Djinns, les monstres marins (j’ai adoré le clin d’œil à l’Antiquité avec l’apparition de Charybde !). Ces éléments sont saupoudrés de fantasy : certains personnages maîtrisent le feu, d’autres le vent, d’autres parlent aux animaux marins. Les Sorcières des mers semblent être une revisite des trois Parques, les sœurs présidant au Destin, sauf qu’ici, elles peuvent l’infléchir contre contrepartie… reste à savoir si les héros oseront prendre le risque car jouer avec le destin est tout sauf anodin et risque de coûter plus cher qu’il n’y paraît!

Les rebondissements sont légion dans ce roman, du fait même de la multiplicité des aventures et des rencontres faites par les personnages. Tout le monde lutte, tout le monde s’engage dans une bataille acharnée pour sauver le monde. Tous n’ont pas les mêmes motivations, bien entendu : envie de pillage, peur d’un désastre, désir de sauver la personne aimée… tous les motifs convergent vers la lutte contre une entité noire, une entité qui aspire à conquérir le monde et à le dévaster. La vision donnée des Djinns ici est terrible : narquois, manipulateurs, bourreaux sans cœur qui se complaisent à regarder le malheur des autres, calculateurs, ils n’ont rien pour plaire. Ils forment un ennemi parfait à combattre : le lecteur est heureux de pouvoir les détester, les personnages peuvent fomenter des plans pour les anéantir sans compassion, en jetant dans la bataille toutes leurs forces, même les plus dérisoires, mêmes celles rassemblées avec l’énergie du désespoir, car, dans ce roman, tout le monde lutte.

Enfin, la chute est saisissante : elle émeut sans conteste et reste dramatique, mais finalement, au vu du reste du roman, le happy end n’était pas envisageable. La tragédie était en marche, le bain de sang inéluctable. La seule vraie question était de savoir qui perdrait la vie et comment. Pourtant, cette fin a aussi une part lumineuse, c’est la part d’amour indéfectible, qui a guidé les actes de certains, qui y contribue ; et l’épilogue qui nous donne à entrevoir la suite des événements, les décennies suivantes, éclaire un peu le chemin assombri par le deuil, nous mettant un peu de baume au cœur malgré la douleur d’avoir perdu des personnages chers.

Ainsi, j’ai adoré Les Princes du feu. C’est une lecture riche en tout : un univers chatoyant, à la fois beau et terrible ; des complots, des manipulations, des êtres mythiques et de la magie, des personnages hauts en couleurs, parfois drôles parfois exaspérants, des rebondissements qui nous tiennent en haleine jusqu’à la dernière page et un malström d’émotions qui nous submergent. Ajoutons à cela le très beau travail éditorial avec les illustrations et les en têtes des chapitres et nous avons un très bel objet livre qui a le pouvoir de nous emporter dans un autre monde.

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