L’Amour à Amsterdam, Nicolas Freeling.

Cet été, mon rythme de lecture est quelque peu ralenti alors je me suis laissée tenter par une nouveauté : un auteur que je ne connaissais pas et un cadre inédit, Amsterdam. Ce roman bref me semblait être un bon compromis, un vent de nouveauté et en même temps, une lecture rapide grâce à la brièveté du livre.

Elsa de Charmoy a été assassinée chez elle. Cette femme intriguante laisse derrière elle un parfum sulfureux et son ancien amant qui rôdait non loin de son appartement est arrêté. Mais l’inspecteur Van der Valk trouve tout cela trop évident. Il creuse donc plus avant pour débusquer l’assassin.

Tout d’abord, ce roman est comparé à une enquête de Maigret, je m’attendais donc à retrouver une atmosphère bien particulière, lente et parfois déroutante. Nul doute que c’est le cas ici. Il y a beaucoup de lenteurs au cours de cette enquête – et peut-être même trop pour moi qui suis pourtant habituée aux polars islandais déjà réputés pour leur rythme lent. L’enquête avance sans que nous ne sachions vraiment comment, l’enquêteur parle beaucoup, plaisante, se perd dans les méandres de sa propre conversation, dans ses intimes convictions qui ne sont que vaguement étayées. La recherche d’indices est vague, nous n’assistons à presque rien, hormis une ou deux fouilles du domicile de la victime en présence du suspect. Les règles qui régissent le métier d’enquêteur paraissent bien loin des préoccupations de l’enquêteur qui parle ouvertement au suspect, qui semble parfois copiner avec lui – au point où le lecteur se demande si ce n’est pas une technique pour endormir sa méfiance et le piéger. L’attitude de l’enquêteur est donc trouble et m’a laissé un petit goût amer, car je peinais à trouver sa logique. Nous ne savons vraiment pas comment il démêle l’écheveau, nous ignorons les fondements de ses spéculations et cela m’a laissé un goût d’inachevé en bouche en plus de me frustrer terriblement.

Le principal suspect ne m’a malheureusement pas beaucoup plus convaincue. Il se laisse ballotter, accepte de jouer la poupée de chiffon aux mains du système judiciaire. Il ne clame pas spécialement son innocence, se sent manipulé, se confie, doute, hésite, mais n’entreprend rien de concret pour se sortir de cette mauvaise passe. Je l’ai finalement trouvé très (trop ! ) passif. Allié au tempo lent du récit, cela a sans doute joué dans ma réception de l’œuvre. Aucun personnage, aucun élément ne fait des remous dans le long fleuve tranquille de l’enquête. Aucun événement saillant, aucune rébellion, juste une acceptation résignée et douloureuse de la part de l’accusé, convaincu que la vérité éclatera d’elle-même. Je me fais peut être des illusions, mais je doute que nous soyons aussi placides face à une accusation de meurtre dont nous nous savons innocent, même si nos sentiments vis à vis de la défunte victime sont ambivalents. J’ai dans l’idée que nous nous débattrions comme un poisson piégé dans un filet, comme dans un ultime sursaut de désir de vivre. Finalement, il y a quelque chose de kafkaïen dans ce roman : l’homme est déshumanisé, il n’est plus qu’un pantin aux mains d’un système qu’il ne maîtrise pas et dont, nous-mêmes, nous ne comprenons pas le fonctionnement.

Les relations entre les êtres sont étranges dans l’Amour à Amsterdam. Martin est égal à lui-même face à l’enquête qui le vise et dans sa vie privée. Il se laisse porter, pense être actif mais en réalité se leurre sur les êtres, enfin surtout sur quelques-uns. Sa femme Sophia est quant à elle énergique et lucide. Cela crée un contrepoint intéressant. En fait, lorsque j’ai découvert le récit des amours passés de Martin et d’Elsa, il m’a irrésistiblement fait penser à Swan (merci les lectures de prépa : Un amour de Swann, de Proust). Martin arrive aux autres par une porte, les enferme dans un rôle et a toutes les peines du monde à les faire sortir de la case dans laquelle il les a rangés. Il n’est pas capable de voir au-delà des apparences premières et se débat comme un poisson dans la nasse quand on essaie de lui faire entrevoir un morceau de vérité. Son histoire avec Elsa est à la fois déroutante et pathétique. Il éveille notre pitié par son aveuglement et, osons le mot, il nous agace un peu aussi. Le récit de ses amours passées est donc intéressant puisqu’il éclaire la personnalité de Martin mais aussi celle d’Elsa. Cela permet de mieux cerner la victime. Le portrait qui apparaît entre les lignes n’est pas toujours flatteur et nous conduit à chercher ce qu’elle aurait pu faire pour éveiller la rancœur de son assassin.

La structure du roman enfin est intéressante. Elle est construite à n’en pas douter pour avoir un effet sur le lecteur. Mais cet effet est à double tranchant. Dans mon cas, j’ai trouvé que cela hachait l’intrigue et diluait encore l’enquête, ce qui ne m’a pas spécialement fait plaisir. L’interlude offert par l’histoire de Martin et d’Elsa peut bien évidemment passionner d’autres lecteurs qui apprécieront ce retour en arrière, éclairant la situation actuelle. Je pense qu’il y a là quelque chose de très personnel dans la question de savourer ou non le montage romanesque.

Ainsi, L’Amour à Amsterdam de Nicolas Freeling est un rendez-vous manqué pour moi. Si le roman a des qualités, il n’a pas réussi à me faire vibrer. J’ai trouvé l’ensemble trop lent et les personnages trop passifs pour un effet global trop brumeux et énigmatique dans la conduite des investigations. Ce n’est là bien évidemment que mon avis, et je ne doute pas que le livre conquière son public, d’ailleurs, qui sait… peut être ferez-vous partie des amateurs!

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