Le Cercle des mensonges, Céline Denjean.

Je ne connaissais absolument pas Céline Denjean avant de lire Le Cercle des mensonges. Une courte recherche sur mes blogs préférés m’a permis de voir que je passais sans doute à côté de quelque chose de très intéressant, alors je ne me suis pas fait prier lorsque j’ai eu l’occasion de dévorer ce joli petit pavé.

Dans ce roman, plusieurs affaires agitent la police : le neveu d’un ministre a fait une chute mortelle, le meurtre d’une femme de ménage, la disparition d’une autre, une femme en apparence bien sous tous rapports retrouvée assassinée dans une forêt près de Toulouse… Et si ces affaires étaient reliées? Deux équipes œuvrent, chacune de leur côté de l’écheveau, mais se rencontreront elles? Urbain Malot, dit le Zèbre et Eloïse Bouquet ne sont pas au bout de leurs surprises.

Ce qui frappe dans ce roman, c’est la densité de l’histoire. La première partie réussit son pari d’entrainer le lecteur dans une ronde folle, de le piéger dans une sarabande cauchemardesque et de l’engluer dans une pelote inextricable. Nous ouvrons le récit sur le témoignage décousu d’un assassin pris dans les affres du regret mais surtout dans une logique folle d’autojustification. Son propos confus nous laisse voir l’étendue de son désarroi, de sa folie meurtrière aussi, sans que nous ne saisissions exactement de quoi il parle : voilà précisément de quoi nous ferrer! Et lorsque nous espérons que le deuxième chapitre nous offrira des clefs auxquelles nous raccrocher, nous plongeons toujours plus profond dans l’abîme en découvrant avec horreur un crime maquillé, une vie innocente menacée et une cavale désespérée qui s’engage. Ainsi alternent les chapitres, mettant au jour l’implacable mécanisme tragique : des morts qui s’accumulent, des crimes sordides et inexplicables, des affaires anciennes qui hantent les enquêteurs, et des indices si maigres qu’ils donneraient envie de classer les affaires au plus consciencieux des professionnels. Le récit est construit pour alterner les enquêtes d’Urbain Malot et celle d’Eloïse Bouquet, ce qui entretient chez le lecteur la sensation de vertige produit par la densité de l’histoire. C’est bien pensé car cela permet de nous happer dans le récit et de nous laisser une sensation similaire à celle ressentie par les enquêteurs. Comme eux, nous nous sentons perdus et dépassés, et comme eux, nous doutons tout en désirant ardemment découvrir le fin mot de l’histoire.

Les enquêtes en elles-mêmes sont glaçantes car même le plus petit fait divers cache en réalité un montage d’une cruauté terrible. Rien n’est anodin dans ce livre, tout concourt à relier les fils des enquêtes et à tisser une toile aussi spectaculaire que glaçante. J’ai particulièrement aimé le lien établi entre les enquêtes d’Urbain Malot et celle d’Eloïse Bouquet. Alors, il est vrai que certains aspects des révélations sont dignes d’un film et paraissent peut être peu crédibles dans la vie de tous les jours, toujours est-il que dans le roman, c’est efficace et cela ajoute au récit une strate de plus : une lutte entre les puissants et les misérables où celui qui a le plus de moyens et le plus d’influence a une longueur d’avance. Cela donne un petit côté cynique au livre, également, sans que cela ne soit désagréable et sans que cela ne paraisse être un lieu commun éculé : l’ensemble est bien amené, avec un zeste d’ironie dramatique également… ce qui n’est pas pour nous déplaire! En effet, même certains puissants qui se targuent de leur pouvoir sont la marionnette de personnes au-dessus d’eux. Cet assemblage de jeux de pouvoir en poupée gigogne accentue la densité du livre et explique le titre « le cercle des mensonges », des cercles concentriques qui se resserrent jusqu’au sommet, rongé par la gangrène, mais difficilement atteignable pour le commun des mortels – ou même pour le justicier avide de vérité-.

Dans ce roman, il m’a clairement manqué des références, toutes celles liées au volume précédent et à la lutte contre Anne Poey, criminelle en cavale. Pour autant, ça n’a pas été bloquant. J’ai bien saisi qu’il me manquait des éléments mais Céline Denjean distille suffisamment d’éléments pour que nous comprenions progressivement la croisade d’Eloïse. Cela m’a même donné envie de lire Le Cheptel! On verra si je le fais cet été ou si je garde le titre sous le coude pour une prochaine fois.

Les figures d’enquêteur sont intéressantes, Urbain Malot a un physique étonnant et sa pugnacité ainsi que son attachement à ce qui est juste est particulièrement marquant. Eloïse quant à elle est un peu plus borderline dans sa façon d’envisager l’enquête sur Anne Poey, elle paraît plus impulsive que son confrère, mais elle reste un personnage agréable à suivre, ni justicière ni gendarme parfaite : elle est une professionnelle consciencieuse mais aussi une femme blessée hantée par un passé qu’elle est bien décidée à enterrer. Il est donc très agréable de suivre ces deux personnages et leurs équipes. Le duo formé sur le tard est lui aussi savoureux, complémentaire et détonnant.

Enfin, le rythme du récit ainsi que la plume de Céline Denjean sont tous deux de belles découvertes. J’ai aimé la structure complexe qui se dégage de l’œuvre et qui a su ménager mon intérêt et me surprendre. L’écriture est fluide, sans effets superflus : en un mot, simple et efficace. Un régal.

Ainsi, j’ai adoré ma lecture. Le Cercle des mensonges est un roman qui tient ses promesses : des crimes sordides mis à jour, des enchaînements et des révélations stupéfiantes, des complots et des manœuvres politiques entravant le travail d’enquête et la découverte de la vérité. Le roman est porté par une plume fine et par des enquêteurs intéressants. Je recommande.

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