
Je ne connaissais pas du tout Fabrice Hadjadj ni ses romans lorsque Babelio m’a proposé de découvrir les deux premiers volets de cette trilogie. Comme je suis curieuse, j’ai postulé et j’ai été retenue. Aussitôt reçu, aussitôt lu.
L’Attrape-malheur retrace l’histoire de Jakob Traum, un garçon en apparence comme les autres, et pourtant pas tant que cela. Il est en effet doté d’un étrange pouvoir qui le rend tour à tour invincible ou invulnérable. Il est bientôt forcé de quitter son village natal, et entame une nouvelle vie auprès des forains. Mais dans un pays où les tensions politiques s’exacerbent, son don devient l’objet de toutes les convoitises et le danger rôde.
La narration de ce roman est très singulière. Elle m’a saisie dès le début et m’a au premier abord séduite. Elle s’insère dans la tradition des contes, avec un conteur qui vous prend à partie, qui vous maintient en éveil et qui vient titiller votre curiosité. Il y a donc une grande oralité dans ce roman. Nous entendons la voix du conteur résonner sous les mots – oralité mais pas vulgarité.
Le contenu même du récit est assez émouvant. Un enfant longtemps désiré, pour lequel on craint beaucoup, qui se révèle être hors normes, des parents qui se sacrifient pour lui. Un enfant isolé des autres, enfermé dans une solitude qu’il ne comprend pas, mais un enfant qui a soif d’amour aussi, sans le soupçonner. Voilà un matériau à même de nous toucher. Le récit sait se faire sensible pour donner à entendre la douleur des parents, leurs espoirs mais aussi et surtout leurs craintes. Une scène de ce roman m’a été insupportable – et ce n’est lié qu’à ma sensibilité vis à vis des violences faites aux animaux. Pour ce qui est des rebondissements, je n’ai pas été spécialement surprise. Un certain nombre de choses m’ont semblé un peu attendues. Certains passages m’ont paru répétitifs également, notamment toutes les attaques visant à vérifier ou exploiter le don de Jakob. Le monde des forains correspond néanmoins bien à celui du XIXe siècle et complète un monde un peu grinçant où la différence est mal acceptée.
Jakob est un enfant courageux et au profil intéressant. Il ne soupçonne pas grand chose de ce qui lui arrive, et cela lui donne un rôle de grand naïf, l’innocent aux mains pleines, prêt à faire le bien malgré tout. En cela, c’est un personnage qui ne nous laisse pas indifférent. De même, sa façon de s’attacher à ceux qui lui prodiguent gentillesse et amour est vraiment émouvante. Pour autant, ce n’est pas un personnage que j’ai follement apprécié. Il a vraiment un côté « grand dadais » qui me fatigue un peu. Il se laisse un peu trop porter par le courant pour me satisfaire pleinement en tant que lectrice. De la même manière, sa relation avec la princesse Vérène m’a copieusement agacée : les balbutiements amoureux, la méchanceté dont ils font preuve, le recours constant aux antiphrases, leur attitude, tout m’a déplu. Si j’ai craint un virage cliché et niais vers la romance, j’ai été bien déçue, mais finalement, je me demande si je n’aurais pas préféré.
Ce premier tome s’arrête sur un moment clef. Notre héros quitte ses maigres attaches, dans un chaos le plus total. Il est dans une posture difficile – physiquement parlant – et l’étrange silhouette qui le poursuit est toujours à ses trousses même s’il semble l’avoir momentanément semée. C’est une fin un peu brutale mais en même temps pleine de suspense. Par ailleurs, je pense savoir qui est cette silhouette, et si c’est bien la personne à qui je pense, c’est assez prévisible. Mais, qui sait, le tome 2 me détrompera peut-être à ce sujet et j’aurai peut être une bonne surprise.
Ainsi, c’est un avis en demi teinte. Il y a de belles choses ici, notamment une narration au souffle particulier et prenant. Mais les personnages et l’intrigue m’ont parfois paru un peu poussifs et j’ai eu du mal à être pleinement accrochée jusqu’au bout. J’attends donc beaucoup du tome 2 car je l’entamerai avec un a priori un peu inquiet.