Les Belles années de Mademoiselle Brodie, Muriel Spark.

Pour le club lecture de Charlotte parlotte, nous nous sommes penchés sur la littérature écossaise, et ce sont Les Belles années de mademoiselle Brodie, de Muriel Spark qui ont reçu la faveur des votes. J’étais plutôt contente des résultats du sondage parce que je trouvais la quatrième de couverture intéressante.

A Edimbourg, dans les années 30, Mademoiselle Brodie enseigne dans une école de filles huppée. Ses méthodes d’éducation singulières et son charisme lui valent l’admiration des élèves et la suspicion des collègues.

La première chose qui m’a frappée dans cette lecture, dès les premières pages, c’est la narration. Dans ce roman, ne vous attendez pas à de larges effusions lyriques, à de grands sentiments, ne vous attendez pas non plus à ressentir quoi que ce soit pour les personnages. Muriel Spark s’évertue à nous distancier des personnages par une plume griffant chacun d’eux, répétant à l’envie certaines formules leur conférant un caractère absurde et grotesque. Une des demoiselles est caractérisée par sa bêtise, tout au long du roman, une autre par sa réputation en matière de sexualité, une autre par ses petits yeux… Mademoiselle Brodie, quant à elle, ne cesse de répéter qu’elle est « dans ses belles années » et qu’elle ne peut donc que « former la crème de la crème ». Cela forme un leitmotiv que j’ai trouvé fatiguant. Nous ne savons que peu de choses des personnages, les demoiselles n’ont quasiment aucune existence en dehors de Mademoiselle Brodie. De la même manière, les figures masculines sont étonnamment plates et sans relief. Le professeur de dessin, caractérisé par sa religion et par sa nombreuse descendance, est un électron qui gravite dans le champ d’attraction de mademoiselle Brodie, mais il n’a aucune consistance romanesque. Son homologue, professeur de musique, est dans le même cas. Ils n’existent que par rapport à elle. Cela peut suggérer bien entendu tout l’égoïsme de la jeune femme mais cela crée aussi un univers un peu étriqué qui ne m’a pas séduite.

De plus, la narration brouille les époques et enchevêtre l’axe du temps. Muriel Spark n’hésite pas à nous dire dès les premières pages, que l’une des héroïnes alors âgée de dix ans, mourra à vingt-trois ans puis à nous raconter les circonstances de cette mort – absurde et ridicule, cela va sans dire-. Le récit est donc tortueux, comme si le narrateur se dispersait et procédait « par sauts et par gambades » comme Montaigne le disait. Cela floute l’histoire, rompt le fil directeur, embrume l’esprit du lecteur et nous amène à faire un pas de côté pour réfléchir, sans jamais nous attacher aux êtres qui peuplent ces pages. Ce qui est vraiment dommage, c’est que je n’aime pas du tout ce type de narration. Mon avis est donc biaisé puisque Muriel Spark utilise une technique romanesque qui me déplaît depuis toujours. Dès les vingt premières pages, j’ai compris que ce petit roman (il ne fait que deux cent pages) serait une lecture laborieuse, et, de fait, je n’ai pas goûté grand chose dans cette histoire. J’en suis la première désolée, mais après tout, il faut aussi des rendez-vous manqués pour savourer pleinement les belles rencontres livresques.

Mademoiselle Brodie, en tant que figure d’enseignante m’a agacée dès le début. Elle entend impressionner et se constituer un clan qu’elle éblouit, elle ne recule ni devant les piques méchantes envers une élève ni devant certaines formes de manipulation. Par contre, l’esprit critique lui est étranger dès qu’il est question d’elle-même. Cela lui confère un entêtement agaçant. De même, son enthousiasme pour les régimes fascistes émergeants est dérangeant, non qu’elle soit la seule à s’être leurrée sur l’issue des choses, mais parce qu’elle le vante auprès de ses élèves et que cela fait affleurer dans mon esprit beaucoup de réflexions sur la force et le poids des mots d’un enseignant face à des élèves qui apprennent juste à construire leur esprit critique. A mon sens, ses méthodes d’enseignement sont plus que discutables et étant moi-même professeur, cela m’a titillée. Bien sûr, mademoiselle Brodie est un être de fiction, j’en ai conscience… et pourtant, je suis certaine que des mademoiselle Brodie, il y en a eu.

Ainsi, Les Belles années de Mademoiselle Brodie est un roman que je n’ai pas apprécié même si je vois tout le travail littéraire affleurer sous les mots. Les personnages ne m’ont rien inspiré et ils n’ont su faire naître que mon agacement, tandis que le fil de la narration me distanciait un peu plus de l’histoire à chaque page. Ce récit n’était pas fait pour moi, tout simplement, mais peut-être sera-t-il fait pour vous.

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