Histoires de fantômes du Japon, Lafcadio Hearn & Benjamin Lacombe.

Les Histoires de fantômes du Japon me font de l’œil depuis que j’ai visité l’exposition sur les grands maîtres du Japon, Hokusai, Hiroshige et Utamaro ( la Collection Georges Leskowicz) en janvier dernier. Je me suis offert ce superbe livre cet été lors de ma panne de lecture, en espérant décoincer les choses, et, finalement, c’est à l’occasion du Pumpkin Autumn Challenge que je l’ai lu. Ce sera par ailleurs ma dernière et 14e lecture du challenge. Je valide donc à ses côtés le Menu Automne frissonnant, catégorie Esprit es-tu là? La raison de ce classement étant assez évidente!

Ce recueil contient dix récits, suivis de Jeux de Yôkai, des textes que je ne résumerai pas tant leur pluralité m’en empêche, néanmoins, leur fil directeur reste la tonalité grinçante et glaçante, même si l’humour est sous-jacent dans plusieurs d’entre eux. Tous ne m’ont pas plu à égale hauteur, bien entendu, mais je suis très heureuse de ma promenade livresque, d’autant que Benjamin Lacombe parvient à faire exister ce monde surnaturel avec un brio remarquable. Il donne à voir ce que la poésie du texte suggère, car beaucoup de ces récits sont caractérisés par une très belle langue, très littéraire – trop pour des enfants d’ailleurs.

Le Songe d’un jour d’été est sans doute le conte qui m’a le moins plu. J’ai adoré son début et l’histoire d’Urashima, à la fois douce et tragique, tendre et terrible. Le destin semble se jouer de lui, et le lecteur habitué aux contes sent venir le drame inéluctable. Par contre, le récit se poursuit après le récit de sa vie, et la fin m’a semblée confuse – ce n’est que mon avis bien sûr, mais je me suis perdue dans les récits enchâssés. Les éléments douloureux de ce conte font écho à la tristesse majestueuse qui irradie de La Légende des Joueurs de koto. Dans ce second texte, les frontières entre monde des vivants et monde des morts deviennent perméables, l’amour parcourt les siècles et devient aussi funeste que beau. J’ai aimé la douceur résignée qui émane de cette histoire, et la beauté des illustrations dévoile le chatoiement d’un autre univers.

Parmi les autres lectures qui ont été plaisantes sans me fasciner, nous trouvons Le Mangeur de rêves, qui m’a intéressée par la symbolique du démon mangeur de rêves mais qui m’a laissée sur ma faim. Sur la montagne des crânes d’hommes m’a laissée perplexe, je ne suis pas certaine d’avoir compris absolument tout l’implicite de ce texte. Le Fantôme sans visage est grinçant à souhait, mais de la même manière, il a eu pour moi un goût de trop peu, j’aurais aimé en savoir plus.

Le Gamin qui dessinait des chats est un très joli récit. Je l’ai adoré. Il y a tout un travail sur le merveilleux, sur la mythologie, sur la singularité et l’étrangeté. Les démons prennent vie (et ils ne sont pas les seuls!) et retracent les contours du monde pour nous fournir une échappatoire fantastique au monde réel. Les bizarreries de l’enfant deviennent des forces et la chute du récit est jubilatoire autant qu’étrange. Un régal… Au même titre que Le Magasin de porcelaine hanté par la haine. Dans cet autre texte, j’ai découvert les ikiryô, ces émanations fantomatiques d’une personne vivante ressentant une haine féroce. Le récit est glaçant, souligné à merveille par les dessins de Benjamin Lacombe. Ces projections haineuses hantant le sommeil de la victime m’ont saisie et ont parlé à mon imagination, l’intérêt littéraire et dramatique m’est évident. Cette découverte m’a donc emballée.

Le Message de la mouche et Le Fantôme à la tête coupée sont deux récits intéressants sur la vision des morts et de leur devenir, sur les cérémonies pour aider les morts à rester / être en paix. Le Message de la mouche est triste tandis que Le Fantôme à la tête coupé est plus fantasque, chacun procurant une expérience de lecture différente et se complétant fort bien.

Ainsi, j’aime le mélange des genres qui caractérise ce recueil de récits japonais , oscillant entre contes et récits fantastiques, un peu à l’image des contes de Ludwig Tieck- grinçants et terribles-, ou de ceux d’Andersen. Ces textes sont nimbés de tristesse autant que de joie. Le spectre d’émotions (sans mauvais jeu de mots!) ressenti est donc large et comble le cœur du lecteur. Nous passons du rire aux larmes de page en page, et la beauté des illustrations sublime l’ensemble pour conférer beaucoup de charme au livre.

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