La Dislocation, Louise Browaeys.

la dislocation      J’ai reçu ce roman dans le cadre d‘une masse critique de Babelio avec les éditions Harper Collins, que je remercie au passage. Je ne connaissais pas l’autrice et la quatrième de couverture m’a intriguée : on nous annonce une « trajectoire de femme cousue à celle de la planète », « un roman en forme de fable écoféministe où la tragédie humaine côtoie l’espoir le plus fou ».

      La Dislocation met en scène une femme, sortant de l’hôpital. Elle a tout perdu : son identité et son passé, elle déteste les médecins, aime les magasins de bricolage, crève des pneus de voiture. Elle cherche à se réapproprier son passé, enquête, avec toujours K. à ses côtés pour l’aider. De rencontres en paysages, d’indices en indices, elle complète un peu le puzzle.

    La narration de ce roman est étonnante et déroutante. Nous sommes plongés dans un état similaire à celui de la protagoniste. Nous errons dans un monde et une vie que nous ne comprenons pas, que nous ne connaissons pas. Les Autres nous sont étrangers, comme ce K. qui épaule la narratrice. K, K. pour Camille… un dévouement étonnant pour celui qui est censé être un ami, qui n’est pas qu’un ami, nous le pressentons bien avant la jeune femme. De page en page, des rencontres éphémères se tissent avec Jean-François et Béatrice, avec Wajdi, des rencontres faites pour combler le vide, pour palier l’absence et pour essayer de raccrocher et de recoller les morceaux d’une vie en miettes, des rencontres qui ne nourrissent pas, qui empêchent de penser, des rencontres-pansement, d’une certaine manière, des rencontres instrumentalisées et tournées vers la sexualité, comme un besoin primaire. Cela donne lieu à de longs passages sur la vie intime de la jeune femme, et, pour être honnête, je n’en ai pas toujours vu l’intérêt crucial. Les errances se multiplient, dans la ville, dans les magasins de bricolage, sur les traces d’un passé dont la femme a retrouvé des bribes, sur les terres de ses parents et de ses grands-parents, à la recherche de l’insaisissable car finalement, l’héroïne ne sait pas ce qu’elle cherche. Croiser sa route marque les autres : Emilie, Wajdi, et bien sûr Camille. Notre héroïne laisse une empreinte forte, et, à mon sens, teintée d’une désespérance rude, d’une douleur brute qui ne s’efface pas.

      Cette héroïne, nous ignorons jusqu’à son nom, du moins jusqu’aux dernières pages. Un nom qui, lorsqu’il est révélé, prend son sens, mais qui m’a laissée de marbre. Je n’ai pas pu m’accrocher à cette femme, je n’ai pas pu compatir à son mal-être, elle est bien trop loin, bien au-delà pour moi. Son passé peu à peu révélé a laissé des traces indélébiles, bien entendu, et le lecteur peut le comprendre, pour autant, rien dans le roman ne m’a rendu cette femme sympathique, et je suis la première à le regretter.

      Les choix stylistiques et la forme du récit sont très certainement le fruit d’un choix littéraire, voulu, pour donner un effet : désespérance, bascule vers la folie, dislocation – comme le titre l’indique. Une vie qui tombe en lambeaux dans l’indifférence, une vie qui s’effrite morceau par morceau et dont on ne parvient plus à maintenir l’équilibre : la plume de l’autrice le donne à voir et à entendre. Mais justement, cela ne m’a pas plu : ici, j’ai entendu la confusion, l’absence de fil directeur, le flou; et par voie de conséquence, la lecture a été laborieuse – au moins autant pour moi que la reconquête de son passé pour l’héroïne. La quatrième de couverture mentionne des mots clefs : « hypnotique », « drolatique », « la tragédie contemporaine côtoie l’espoir le plus fou ». Sans doute, mais d’espoir, ici, je n’en ai pas trouvé une once, je n’y ai vu que désespérance et renoncement, « drolatique », non plus, je n’ai rien trouvé de pittoresque ou de récréatif dans ces pages. Ce roman est certainement un ovni littéraire, j’en conviens, il est tout à fait hors norme, mais il n’était pas pour moi.

       La métaphore filée entre la femme et la nature parcourt le texte, je pense que c’est de là que vient la mention « fable écoféministe », mais à la longue, j’ai trouvé le lien fatiguant et pénible à cause du flou constant qui les entoure. La nature dévastée, cette femme dévastée – par son passé, par son présent, par son incapacité à vivre-, l’interrogation constante sur le futur, celui de la femme, celui de la planète : tout cela se comprend, le lecteur voit les liens, mais il y a aussi une part réductrice dans cette analogie, je trouve, et cela n’engage que moi. Finalement, je ressors frustrée : le propos est soit trop présent soit pas assez, trop flou, aussi paradoxal que cela puisse paraître.

    Ainsi, ce roman qui m’intriguait tant est un rendez-vous manqué. Ni l’héroïne ni le récit n’ont su me toucher et m’emporter véritablement ; ma lecture a été douloureuse, teintée de désespoir poisseux et de pessimisme. Cet avis ne vaut bien entendu que pour moi, peut-être ces pages sauront-elles vous séduire, et je vous le souhaite. 

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