En préparant mes cours pour l’année prochaine, je suis tombée sur ce livre La Rose blanche et je n’ai pas résisté à l’envie de l’acheter. La raison est assez simple : je trouve que la résistance allemande face au nazisme est méconnue et j’étais enchantée d’en apprendre plus encore sur ce mouvement étudiant.
Dans ce livre, Inge Scholl, la sœur de Sophie et de Hans, raconte leur histoire : l’enfance d’une part, les jeunesses hitlériennes dont Hans et Sophie se sont vite détachés, et l’engagement, la résistance, jusqu’à la condamnation.
C’est un livre poignant pour mille et une raison. Ici, pas de recherche de style ou d’effet poétique, nous avons sous les yeux un récit de vie. Et c’est cette vie qui est émouvante. Il faut s’imaginer que Hans avait vingt-cinq ans à sa condamnation, Sophie, vingt-deux. Bien que jeunes, ils étaient animés d’un courage et d’une soif d’humanité sans nom, ils ont porté haut leur amour de la justice, du bien, de l’humanité et de la démocratie. Ils se sont engagés en connaissance de cause, sachant ce qu’ils risquaient, sachant la douleur qu’ils causeraient à leur mère s’ils étaient pris. Ils n’ont pas fui lorsqu’on les a suspectés, pour ne pas en mettre d’autres en danger. Ils ont tous deux fait preuve d’une dignité et d’une force inimaginable. Leur destin et leur audace forcent le respect. J’ai été émue aux larmes par le récit de leur détention, par le récit des interrogatoires et par les confidences de leurs compagnons de cellule. Je crois que nous pouvons dire que Hans et Sophie étaient des héros. Ils méritent d’entrer dans la catégorie des Justes car leur combat l’était et l’est encore.
J’ai aimé l’authenticité de ce livre. Inge Scholl n’essaie pas de grandir ou de survaloriser les actes de son frère et de sa sœur, elle explique avec retenue leurs choix, leurs désillusions, leurs espoirs et leur détermination. C’est aussi cette plume simple et limpide qui donne toute la force à l’oeuvre.
Si je connaissais déjà La Rose blanche et ses fondateurs grâce à mes études, j’ai savouré tous les détails que j’ignorais encore, notamment le fait qu’Hans et Sophie aient été inscrits aux Jeunesses Hitlériennes et en aient senti les failles, les absurdités, avant de s’en détacher. Leur lucidité et leur sagacité étonnent et fascinent : en ces temps d’endoctrinement, ces jeunes avaient gardé un esprit critique vital. Et du reste, leur famille n’y était pas pour rien. J’ai également adoré retrouver les tracts imprimés par le mouvement et pouvoir lire ces écrits engagés pour la liberté.
Bien entendu, le livre contient tout un volet concernant le troisième Reich : les Lebensborn sont évoqués discrètement, l’assassinat des malades mentaux, des handicapés, les défaites militaires et les pertes humaines, la pression exercée par la Gestapo, l’opposition muselée et menacée, les dénonciations… Tout cela, je le connaissais déjà et cela ne m’a (malheureusement) pas surprise. Néanmoins, ces terribles réalités sont indissociables du parcours de ces jeunes étudiants, qui se sont sacrifiés pour que la liberté revienne, pour que les foules opprimées et terrifiées se redressent et se lèvent contre un Etat criminel. Il y a un très bel équilibre dans ce livre. Jamais on ne bascule dans le livre d’histoire, ou dans l’écrit moralisateur. Avec finesse, Inge Scholl nous livre les éléments qui ont guidé le cheminement de son frère et de sa sœur, sans tambour ni fanfare, et de page en page, nous sentons la décision mûrir chez ces jeunes universitaires jusqu’à l’acceptation du tragique de leur destin.
Ce livre est court mais il est intense. Il touche en plein cœur le lecteur pour tout ce qu’il dégage. Il témoigne du courage sans borne de jeunes gens, qui en une période troublée, ont osé défier un Etat criminel. Ce roman est d’une richesse inouïe car il nous parle de grandeur, d’humanité et de courage. C’est une belle lecture, et chaque mot résonne comme une belle leçon d’humanité.