Vindicta, Cédric Sire.

Vindicta par CédricCette année, je n’ai pas pu me rendre à Lire à Limoges, alors ma mère y est allée pour deux! Nous avions très envie – entre autres- de découvrir la plume de Cédric Sire : c’est chose faite. Ma mère a acheté Vindicta et me l’a prêté, sitôt lu.

Ce roman est difficile à résumer, de part sa densité : trois fils s’entrelacent sans cesse. Des événements en temps de guerre, en Afghanistan notamment, un braquage qui tourne mal et des crimes sordides d’une horreur sans nom qui ravagent la ville et se multiplient brusquement. Olivier, policier  aux méthodes peu conventionnelles, se retrouvera au cœur du cyclone.

       Le début de ce roman est déroutant en raison de l’alternance des fils narratifs. J’ai eu beaucoup de mal à voir la cohérence d’ensemble et les passages évoquant les soldats en temps de guerre m’ont beaucoup déroutée. Je me suis donc très vite accrochée au récit du braquage, qui avait le mérite d’être plus limpide, avant de comprendre la pleine utilité des autres éléments. Et imperceptiblement, mon intérêt a dérivé vers l’ombre ( cet assassin insaisissable) puis à nouveau vers les soldats.  Ainsi, une fois que j’ai perçu l’importance de chacun des récits, j’ai attendu de chapitre en chapitre la progression des événements, et, je me suis trouvée suspendue au fil des pages, guettant un événement clef, un indice qui me mettrait sur la bonne piste. Une fois le livre refermé, il faut reconnaître que j’ai beaucoup aimé la rythmique singulière de ce roman : il démarre doucement, pose des éléments puis, sans que nous ne le voyons venir, le rythme s’accélère et nous emporte dans une folle course poursuite.

       J’ai particulièrement aimé le soin apporté aux détails dans ce livre. Le travail perlé sur la mythologie et sur Janus en sont le parfait exemple. Je l’ai repéré et savouré,  puis oublié et plusieurs centaines de pages plus tard, j’ai exulté lorsque ce micro détail a été exploité de main de maître. Le travail sur ce point précis est d’autant plus agréable et piquant que le lecteur a le temps de l’oublier. L’auteur joue donc vraiment avec nos émotions, nous endort avant de nous sortir de notre torpeur brutalement. J’ai donc adoré m’apercevoir que mon intuition était bonne. J’ai adoré aussi les renversements de situation : il y en a beaucoup et ils dynamisent sans cesse le texte en relançant l’intrigue lorsqu’elle risque de ralentir. Pour ce faire l’auteur a su recréer les complexités de la vie : les petites rivalités, les mesquineries, les lâchetés quotidiennes, la cruauté, la violence ordinaire.  Nous retrouvons alors une véritable galerie de personnages, qui chacun, apporte quelque chose au récit, à un moment ou à un autre.

       Le policier, Olivier, est un personnage intéressant : il est d’une étrange complexité. Il est pétri de contradictions. D’une part, il ne cesse d’enfreindre les règles et reste très borderline dans la plupart de ses initiatives, d’autre part, il semble mû par des instincts chevaleresques, n’écoutant que son courage et son bon cœur. L’alliance des deux est savoureuse car – au moins- nous échappons au héros parfait, sans peur et sans reproche…. Et ce pauvre policier ne sera pas épargné par son créateur! Il lui arrive bien des déconvenues : parfois nos fronçons les sourcils devant tant d’aveuglement, parfois nous l’exhortons à agir plus vite, enfin, à d’autres moments, nous croisons les doigts pour qu’il réussisse. Cette figure d’enquêteur est donc particulièrement réussie, et, avec l’assassin, ils forment la pierre angulaire de l’oeuvre. 

     L’assassin est une figure exceptionnelle. Il faut reconnaître que c’est du grand art! L’auteur place patiemment ses pions, nous emporte sur des fausses pistes, nous dupe, nous laisse entendre que ce criminel pourrait répondre à telle ou telle caractéristique pour mieux nous porter le coup de grâce dans le dernier quart du livre. Le criminel a également une personnalité d’une rare complexité. Il est ciselé et facettée, de manière à lui donner une densité hors norme.  Je suis complètement bluffé : il m’a glacée jusqu’aux os. Plus d’une fois j’ai lu un paragraphe, dégoûtée par les exactions de cet être, plus d’une fois j’ai senti mon estomac se serrer à la lecture d’une description. En effet, l’auteur ne ménage pas sa peine pour dépeindre la perversité et la cruauté de son personnage. Âmes sensibles, s’abstenir! Et, moi qui n’aime pas les grands renforts d’hémoglobine et le sensationnel, je dois reconnaître que tous ces passages servent le récit et sont indiscutablement efficaces pour faire cristalliser un monstre à la brutalité savante, hors norme, à la fois fascinante et révoltante. Cet assassin est d’autant plus intéressant qu’il a une part d’humanité. Comme nous, il a souffert, il a aimé, il a été dupé, mais sa réponse aux souffrances de la vie est terrifiante, sans nul doute.  Nous avons donc là une figure monstrueuse exceptionnelle. Le revers de la médaille apparaît  aisément : certains passages du livre sont d’une violence inouïe, et mettent très mal à l’aise, certaines scènes proches de la torture notamment.

        Vous l’aurez compris, je suis séduite par la plume de l’auteur.  Son roman a tout pour lui : une rythmique enlevée, une densité et une concentration qui rend le texte addictif, des personnages hauts en couleurs, finement travaillés pour apporter une saveur éclatante à l’oeuvre, enfin, une chute des plus savoureuses et inattendue. Il a tout bon. C’est un excellent thriller, très violent, mais d’une efficacité redoutable.  

2 réponses sur « Vindicta, Cédric Sire. »

Laisser un commentaire