Là-bas, tout ira bien, P. Perrier, S. Baussier.

Là-bas tout ira bien par Baussier      J’ai reçu ce roman dans le cadre d’une masse critique privilégiée de Babelio. Je trouvais le titre intéressant et j’étais curieuse de voir comment le thème de la migration serait travaillé dans un roman pour adolescent. Ni une, ni deux, j’ai postulé.

      Là-bas, tout ira bien retrace l’histoire de plusieurs familles et de plusieurs adolescents. Nous sommes en 2030, en France, et une crise terrible sévit, privant la population de travail et de moyens de subsistance. Alors, pour survivre, de plus en plus de personnes se lancent dans un exode périlleux. Iza, Erwan et leurs parents, Léon, Ximen… autant de personnes en quête d’un Ailleurs susceptible de les sauver. Mais la vraie question perdure : est-ce qu’une fois là-bas tout ira bien?

      Tout d’abord, je dirais que j’ai été très agréablement surprise par la plume des autrices : ce roman est d’une fluidité terrible. Bien que ce soit majoritairement des adolescents qui parlent et racontent, la narration est toute en pudeur et en retenue, sans vulgarité, sans accroc et le texte file sous nos yeux sans que nous ne nous en apercevions. Il y a donc une réelle douceur entre ces pages, alors même que le contenu et le sens sont loin d’être tendres. J’ai beaucoup aimé la chute du roman. Nous découvrons en effet qui raconte cette histoire et cela crée un effet de boucle narrative que j’ai trouvé très intéressant. J’ai également beaucoup apprécié le montage narratif : nous alternons les aventures d’Iza et Erwan et celles de Léon et de sa famille, auxquels s’ajoutent bientôt d’autres personnages. Cela confère une rythmique au récit, un tempo qui nous pousse en avant et qui excite notre curiosité. Pari réussi : le roman se dévore en quelques heures pour notre plus grand bonheur.

      De plus, j’ai beaucoup aimé le thème. La crise économique touchant de plein fouet le peuple, la migration, l’exode, éperonné par l’espoir que ce sera mieux ailleurs, s’impose. Nous retrouvons là un thème à la fois classique (pensons seulement à Steinbeck) mais aussi très moderne. Le récit entre en résonance avec des histoires vraies, avec l’Histoire, et je trouve cette démarche intéressante car ici l’anticipation renoue avec le monde que nous connaissons pour mieux nous inviter à réfléchir. L’exode est ici présenté dans sa réalité la plus concrète et triviale : rien n’est idéalisé. Nos héros sont confrontés à la méchanceté, à la cupidité, à la lâcheté humaine, mais aussi à la bonté et la bienveillance même si ces dernières restent mineures. Leur périple est difficile, pénible, décourageant et nous percevons bien le désespoir et le désarroi. J’ai apprécié que ce voyage soit raconté sans effusion de bons sentiments et sans misérabilisme, mais juste avec retenue. La récit n’en acquiert que plus de force.

      Enfin, les personnages sont terriblement émouvants, sans doute parce que nous sommes confrontés à des adolescents qui ont tout perdu. Isolés, terrifiés, à la merci des Autres, ils évoluent, grandissent, souffrent sous nos yeux. Plus d’une fois, le lecteur est interpellé par ces destins car nous savons bien que des Iza, des Léon et des Erwan, il y en a encore beaucoup. Ces enfants sont touchants par leur innocence et leur candeur, par leur désespoir aussi, mais surtout, leur loyauté. Ils sont capables au milieu de l’enfer de s’entraider et de tendre encore la main à d’autres.

      Finalement : solidarité, partage, humanité parcourent en filigrane le roman. Des valeurs qui sont essentielles et qui se passent ici de discours moralisateur. Le récit laisse entrevoir l’essentiel, de manière implicite, et devient une très belle invitation à réfléchir sur notre monde grâce au détour par la fiction.

      Ainsi, Là-bas tout ira bien est un très bon roman. Il réussit à aborder un sujet grave avec pudeur, dans un style qui séduira de nombreux lecteurs, particulièrement les adolescents. Le choix des héros de l’oeuvre est particulièrement malin, associé à une narration intelligente et fluide : c’est une vraie réussite.

 

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