De Laurent Gaudé, j’ai déjà lu et adoré Le Soleil des Scorta, alors quand dans mon collège nous avons mis en place le quart d’heure de lecture, j’ai sorti Pour seul cortège de ma bibliothèque et l’ai glissé dans mon sac à main. Depuis un mois, il ne me quitte pas et accompagne tous mes moments creux au travail.
Dans ce roman nous suivons la fin d’Alexandre, de son malaise lors d’un banquet, à sa mort et à son cortège funèbre, l’Etat qui se délite, les guerres intestines et les destins tragiques des uns et des autres.
Il faut tout d’abord souligner que ce roman est au départ déroutant. La narration est éclatée, nous suivons des destins de personnes dont nous ignorons tout et les noms issus de l’Antiquité ne nous aident pas. Les morts au combat sont mentionnés, les captifs, les vaincus… tous ces personnages font une ronde qui nous donne le tournis, et nous entraîne sur les pas d’un Alexandre lui aussi en proie au délire, aux portes de la mort. Ainsi, cette narration est finalement en adéquation avec le contenu et le propos. Une fois la surprise première passée, j’ai aimé cette valse des points de vue. Cela confère un vrai charme et une saveur particulière à l’oeuvre : nous sommes intrigués, étonnés, et nous restons toujours un peu sur notre faim, puisque l’alternance est rapide. Nous devenons insatiables, comme Alexandre, jamais nous n’en savons assez sur le personnage mentionné, et cela nous pousse toujours plus avant. J’ai adoré passer de la mission d’Ericleops, au banquet d’Alexandre, au choix de Driptéis et à tous les autres. L’éclatement de départ se fait peu à peu musique, comme la plume, et nous berce, nous entraîne dans une course folle. Une course pour la vie, une course contre la mort, que nul ne peut gagner, car ce sont bien les derniers instants d’Alexandre qui nous sont narrés.
Nous assistons à la confusion des sentiments de tous. Driptéis d’abord, princesse déchue, veuve retirée du monde et de l’Empire, elle aspire à un calme qu’on lui refuse. Elle se dresse, se bat, résiste, pour mieux se fondre dans la masse et renaître de ses cendres, devenir une Autre, différente, quitter l’humanité pour rejoindre la légende. Je crois que c’est le personnage qui m’a le plus séduite, par sa force, par son courage, par sa résignation aussi et par son désespoir. Voilà autant de sentiments contraires et ambivalents qui innervent l’oeuvre et lui donnent de la profondeur. Confusion d’Alexandre aussi qui ne veut pas mourir, qui résiste à son Destin et ne s’y résout que pour renaître sous la forme d’une voix qui guide certains de ses anciens compagnons, un souffle de vie qui inspire et insuffle l’espoir et le courage. Confusion des bras droits d’Alexandre qui se déchirent et se partagent les miettes d’un Empire devenu pièce de choix au banquet des appétits voraces et de l’ambition. C’est donc un récit subtilement violent, poétiquement tragique qui se dessine de page en page, tantôt cruel et violent, tantôt léger et poétique, il nous happe et nous emporte sur les ailes de l’Histoire.
Le roman retrace finalement la dernière chevauchée d’Alexandre. Dans un souffle épique, nous entendons résonner le pas des chevaux, le fracas des épées, les râles d’agonie et les toasts des banquets. Nous entendons les plaintes des vaincus, les réjouissances des alliances et les suspicions de trahison. L’Empire s’étend et se laisse voir sans fard dans toute son horreur, ses assassinats politiques, ses morts bafoués, ses mariages politiques, ses conquêtes grandioses. La plume de l’auteur sert alors à la perfection le propos. De page en page, ce ne sont plus des phrases que j’ai entendues, mais c’est le chant d’une mélopée triste et funèbre qui a retenti à mes oreilles, se parant parfois d’accents éclatants pour raconter les victoires, mais se drapant le plus souvent d’une tristesse majestueuse pour donner à entendre la souffrance, le renoncement, le deuil, l’absence, et les vies qui s’étiolent.
Ainsi, j’ai un véritable coup de cœur pour ce bref roman qui se fait musique à nos oreilles de lecteur. La mélodie funèbre se déploie et bientôt le grandiose et la misère se côtoient en un chant de lamentation aussi prenant que touchant. Pour faire simple, c’est à mon sens un petit bijou de poésie!
Vraiment pas accroché à ce roman, ça manque d’âme, de vie. Je n’en garde aucun souvenir… Dommage.
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Je comprends, l’écriture est vraiment singulière et j’ai été déstabilisée au début, alors je veux bien croire que cela puisse ne pas du tout plaire. 🙂
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