Évanouies, Megan Miranda.

Évanouies par Miranda     Le titre de ce roman m’a étonnée, en le lisant, nous nous attendons à une histoire d’enlèvement, à une quête éperdue pour retrouver un être cher… Et pourtant, ce n’est pas ce qui transparaît dans la quatrième de couverture. Premier bon point, titre et résumé captivent notre attention. 

     Nous découvrons Nicolette, une jeune femme qui s’était jurée de ne pas retourner à Colley Ridge, sa ville natale. Lieu de souffrance et d’un passé qu’elle veut oublier, notamment la disparition de sa meilleure amie, mais aussi une ville qui abrite encore son premier amour. Malheureusement, la maladie de son père la contraint à revenir. Et le destin semble lui jouer un bien vilain tour lorsqu’une autre femme disparaît…

    Le personnage de Nicolette, figure clef de ce roman, est particulièrement touchant et digne d’intérêt. Elle nous émeut par sa fuite désespérée en avant, par les drames qui jalonnent sa vie et dont elle ne semble pas réussir à se remettre autrement qu’en partant. Curieusement, ce personnage semble bloqué dans un entre-deux. Captive d’un passé qui l’empêche d’avancer, tétanisée par un avenir qu’elle n’arrive pas à laisser se déployer, elle reste dans le no man’s land stérile qui les sépare. En cela, elle ne nous laisse pas indifférent, que nous ayons envie de la secouer ou de compatir avec elle, d’ailleurs. Pari réussi donc, un personnage intéressant et avec sa touche d’originalité qui en fait un être à part.

      Mais en réalité, ce qui étonne le plus dans ce roman, c’est le montage narratif, terriblement efficace et… frustrant! En effet, l’écriture se fait à rebours et il faut reconnaître que c’est particulièrement déstabilisant au début, tant et si bien que cela m’a réellement agacée. La lecture en est plus hachée, nous perdons le fil, nous tentons de réajuster et de relier les informations obtenues, mais, rien à faire, ça brouille le tableau d’ensemble… Et pourtant… Je me suis prise au jeu assez vite une fois la première surprise passée. Au fil des pages, cela devient jouissif d’analyser, de guetter un petit indice, un signe qui nous permettrait de redonner du sens et de dénouer cette pelote de nœuds qui se resserre toujours un peu plus sur nous. L’écriture ici fait toute l’originalité et la saveur du livre : elle nous prend, nous lecteur, à partie, et suscite mille et une réactions. Dépit, frustration, puis intérêt renouvelé, envie de continuer… et retour à la frustration, car bien souvent, arrivé à la fin du chapitre, nous jubilons, sûrs de toucher du doigt LA cause, LE mobile, L’explication, pour nous rendre compte au chapitre suivant, à rebours donc, que notre intuition géniale n’était qu’un minuscule feu de paille… et voir nos suppositions réduites à néant. C’est donc un savant jeu du chat et de la souris qui se met en place entre l’auteur et le lecteur mais la délectation l’emporte sur tout autre sentiment lorsque le dernières pages arrivent. En effet, ce n’est qu’à la toute fin que nous réussissons enfin à emboîter toutes les pièces du puzzle et à comprendre les indices semés ça et là. Finalement cette narration éclatée, à rebours, est un coup de génie pour nous entraîner sur des fausses pistes et pour nous faire fourmiller d’idées. En brisant les codes classiques, le roman brise aussi les schémas de réaction de son lecteur et le force à se réinventer, à miser sur d’autres stratégies de lecture et nous permet de passer un moment agréable tout en originalité et en émotions.

      Bref, Évanouies est un vrai coup de cœur, alors que j’ai craint que cela ne soit qu’un flop. Comme quoi, la première impression ne conditionne absolument pas la lecture entière : ma frustration et mon agacement n’ont été que de courte durée et ont sans doute renforcé mon plaisir, après, par effet de contraste. Le roman m’a tenue en haleine jusqu’à la dernière page : j’en redemande!

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