J’ai acheté ce roman au festival de l’imaginaire de Lambesc, en octobre. J’en avais entendu parler et il me tentait bien. L’idée de pouvoir l’avoir dédicacé m’a fait sauter le pas, c’était la cerise sur le gâteau qui rendait ce beau livre totalement irrésistible.
Jivana est une jeune fedeylin hors norme. Elle abrite au sein de son corps l’esprit d’une déesse, Savironah. Cette particularité la place à l’écart de la société car tout le monde la trouve étrange. Mais un jour, le Dor, c’est-à-dire le soleil, disparaît sous une nuée d’insectes : les Dévoreurs. Il est alors temps que Jivana prenne son destin en mains et s’aventure loin de chez elle, à la recherche d’une solution mais aussi à la recherche d’elle-même.
Tout d’abord, l’univers de ce roman est bluffant. Il est d’une beauté irréelle : fin, travaillé, ciselé, il offre un écrin parfait à une belle histoire. Les fedeylins sont des fées, vous l’aurez compris, et sont organisés en une société structurée et égalitaire, gouvernés avec justice. Chacun a son rôle à jouer, à un moment ou à un autre. Ils croient en des dieux : Savironah et Taranys que les légendes louent comme les créateurs de Dor. Mais ce monde s’enrichit d’autres personnages, de créatures divines plus ou moins bienveillantes, Dastöt par exemple, et de prophéties annonçant la désolation ou au contraire une nouvelle ère de paix sous la houlette de l’amour. Seul le destin d’une petite poignée saura faire la différence et pourra faire basculer le monde dans la quiétude ou dans les ténèbres. Deux choses se jouent donc ici. D’une part, nous avons le destin des dieux qui se déchirent le monde et luttent pour gagner en pouvoir – soit pour apporter le bonheur aux peuples, soit par ambition et intérêt. D’autre part, nous avons une jeune fedeylin qui aspire à devenir elle-même, à s’affranchir de la norme pour se trouver et pour trouver sa propre voie. La mythologie créée, les rebondissements, les alliances, les tromperies, les complots, tout concourt à rendre la lecture savoureuse et haute en couleurs. Il n’y a rien de redondant, d’exagéré ou de convenu ici. Tout est original, poétique et doux, même de la noirceur des intentions de certains êtres n’arrive pas à éteindre la beauté de l’ensemble.
C’est donc une véritable épopée qui attend notre petite fedeylin, Jivana. Elle devra aller par monts et par vaux, traverser des déserts, remonter des rivières, affronter des espèces prêtes à la démembrer, ruser pour extirper des informations à l’ennemi, fuir pour sauver sa vie, combattre parfois, résister toujours. Jivana est un très beau personnage, doté d’une personnalité hors norme. Elle est courageuse sans être téméraire, elle est profondément gentille et bienveillante, quitte à parfois se montrer bien naïve! Elle aborde son destin avec une sérénité douce, elle est prête à mourir pour ses convictions et place sa foi en Savironah au- dessus de tout. D’aventure en aventure, elle grandit, mûrit, apprend à se méfier mais surtout, elle apprend qui elle est et s’affirme de plus en plus. Tout comme Savironah, elle renaît de ses cendres pour entrer dans la légende et ces deux femmes nous offrent un très beau duo, touchant et d’une grande beauté de cœur. De manière à peine voilée, l’autrice évoque aussi l’amour que peuvent se porter deux personnes du même sexe, et la beauté que peut générer cet amour. Jivana est aussi une lecture porteuse de sens et porteuse d’un message de tolérance car finalement, nous avons bien quelques personnages bornés ici aussi, mais ce ne sont pas eux qui triompheront. Ce roman parle de justice, de bien, de sacrifice parfois aussi, et j’ai adoré que ce ne soit pas les créatures les plus imposantes qui aient le meilleur rôle. Au contraire, de petites bêtes, insignifiantes pour certains, acquièrent un rôle capital comme Jee l’anophèle ou encore Egat le lézard.
Ici, les personnages sont des petits bijoux. Savironah, qui n’est qu’une voix au début, irradie entre ces pages. Elle est à la fois fière, forte et fragile. Son amour pour Jivana porte le roman. Yohualli, la kojoh blanche, est délicieusement ambivalente, et jusqu’au bout, nous nous demandons quel parti elle prendra. Nadia Coste réussit le pari de ciseler des personnages qui ne sont pas manichéens, qui évoluent et changent. En cela, elle signe également un roman profondément humain. Finalement, plus d’un être entre ces pages part en quête de son vrai Moi, de ce qu’il est intrinsèquement, et chacun découvre un petit quelque chose, pour le meilleur ou pour le pire.
Je terminerai cette chronique en insistant sur la beauté de la plume de l’autrice. Il y a beaucoup de poésie entre ces pages et cela permet de sublimer les personnages et le récit trépidant.
Ainsi, Jivana est un vrai petit bijou. Ce roman a tout pour lui : une plume enchanteresse qui dépeint un monde époustouflant et des aventures fabuleuses menées par des personnages hauts en couleurs. Je suis subjuguée.