La Carte des jours, T. 4 de Miss Peregrine et les enfants particuliers, Ransom Riggs.

miss peregrine-2      A leur sortie, j’avais dévoré les trois premiers volumes de Miss Peregrine, et j’avais été séduite par l’univers. J’attendais avec impatience le film de Tim Burton, qui m’avait par contre déçue. En soi, le film était très bien, mais il prenait de telles libertés par rapport aux livres, mixant en 1h30 les trois tomes, échangeant des personnages principaux, que je n’avais pas retrouvé le petit je-ne-sais-quoi si particulier du livre.

   Attention, cette chronique risque de légèrement spoiler les tomes précédents, puisque nous prenons directement leur suite, mais ça ne devrait pas vous en gâcher la lecture.

       La Carte des jours est le début d’une nouvelle trilogie pour Jacob Portman, Emma, Olive, Millard, Enoch et tous les autres. Le récit commence au terme du tome 3, et raconte les jours d’après, après la Grande bataille dans l’Arpent du diable, après l’écroulement de certaines boucles, après le retour à la vie normale… ou presque, car une fois les Estres et les Creux vaincus et mis en déroute, il faut reconstruire le monde des particuliers et trouver de nouvelles tâches, qui ne sont pas toujours au goût de nos héros!

        Dans ce nouveau tome, les particuliers et Jacob tissent une nouvelle relation, ils approfondissent leurs liens. La joyeuse troupe doit apprendre à s’acclimater à l’époque moderne, et ça ne se fait pas toujours sereinement! Cela donne donc lieu à des situations cocasses pour notre plus grand plaisir. Autant les enfants ont été les guides de Jacob dans les boucles, autant Jacob devient leur guide désormais… pour le meilleur et pour le pire. Ce passage par le présent est aussi un moyen de redéfinir les liens et les affinités. Miss Peregrine se voit contestée par des adolescents en quête de liberté – et en pleine crise d’adolescence,  Emma affronte ses vieux démons en entrant dans la réalité d’Abe Portman, le grand père de Jacob. Cette confrontation est douloureuse, elle ravive les plaies, exacerbe les tensions et met à mal les amours naissantes, tant le spectre du grand père est puissant. Le ton est délicieusement décalé lorsqu’il s’agit de présenter les habitudes de nos adolescents centenaires au milieu d’un siècle où tout va trop vite pour eux.

     Une des forces de ce tome 4 est de nous permettre de découvrir plus largement Abe. La mise au jour de ses secrets, au cœur de sa petite maison, fait naître une vraie vocation chez Jacob. Mais ce grand-père adulé, fantasmé aussi par delà l’absence, ce héros invisible devient vite une ombre enfermante que l’on veut égaler ou dépasser mais qui conduit aussi à faire des erreurs. Sur les traces de son passé, de son héritage familial, Jacob fait d’autres rencontres – bonnes comme mauvaises- et, de fil en aiguille, il découvre aussi des choses peu reluisantes, des zones floues, des contentieux, des erreurs qui ternissent l’image du héros parfait que Jacob avait nourrie. La vérité de ce grand-père réside sans doute dans un entre-deux, plus humain, mais qu’il est douloureux de renoncer à l’image rêvée, et d’entrer dans la vérité pour notre jeune héros !

        Jacob ici est parfois agaçant, mû par son désir de prouver sa valeur, il s’embarque dans des aventures rocambolesques, parfois complètement folles et il met par la même occasion tout le monde en danger. Les enfants deviennent des enfants terribles, et quelques fois, leur attitude m’a semblé bien puérile. Pour autant, vu leur passé, et les tomes précédents, c’est tout à fait crédible. La rencontre avec Noor et sa meilleure amie est un très beau moment. Je sens qu’elle pourrait avoir une réelle importance pour le reste, et je suis toujours aussi fascinée par les particularités qu’arrive à imaginer l’auteur! De même, j’ai eu un pincement au cœur en découvrant H et sa relation avec Horatio, une amitié forte et déconcertante, qui émeut autant qu’elle stupéfait.

      J’ai adoré la mise en scène de l’Amérique des Particuliers comme un vaste far west fait de rivalités, de règles, de règlements de compte et de dangers. Cela ajoute du piment aux aventures de nos héros, complètement ignorants des règles. Les boucles visitées ont un côté suranné délicieux, nous avons l’impression d’être revenus loin en arrière, et de revivre les différentes époques, les années 60, la ségrégation, les luttes de pouvoir mafieuses. Le tout est revivifié par des emprunts à la mythologie, notamment les Sirènes qui obtiennent ici un rang très singulier.

     Ainsi, c’est un réel plaisir de replonger au sein des boucles et dans l’univers des Particuliers, cette lecture agit comme une gourmandise à la saveur suave,. Le bonheur des retrouvailles avec nos personnages est pimenté d’un road trip qui nous emporte toujours plus avant : je recommande! 

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