Mörk, Ragnar Jónasson.

Mörk     J’ai adoré Snjór, et la suite des aventures islandaises d’Ari Thór m’attendait sagement dans ma bibliothèque, alors, je n’ai pas résisté bien longtemps à la tentation.

    La quiétude de Siglufjördur est troublé par une nuit d’hiver. Un inspecteur de police est assassiné alors qu’il enquête au abords d’une maison en ruines. Son collègue Ari Thór mène l’enquête dans une communauté pourtant réputée sans histoire. Une fois de plus, il faudra reconstituer toutes les pièces du puzzle et lever le voile sur certains secrets.

     Cette fois encore, je suis pleinement convaincue par l’atmosphère feutrée de ce petit village islandais. Le froid étreint la ville, étouffe les bruits, les cris, recouvre d’un manteau blanc les secrets honteux et laisse nos enquêteurs face à une étendue immaculée qu’il va falloir retourner, fouiller, pour mettre à jour la vérité. Cette atmosphère est reconnaissable entre mille et apporte comme un cocon douillet à l’enquête, un cadre dans lequel j’ai adoré me glisser.  Alors, une fois de plus, les amateurs de polar trépidants, menés à vive allure, seront sans doute déçus. Les choses se font lentement, doucement, pas à pas, comme craignant une avalanche, mais pour autant, le lecteur ne s’ennuie pas, et c’est là le tour de force de cette narration!

       Deux fils narratifs coexistent. Le présent d’Ari Thór et de Tómas, et d’étranges chapitres écrits en italique, qui se déroulent dans un hôpital psychiatrique.  Durant un très long laps de temps, ces deux fils restent radicalement séparés, et cela a attisé ma curiosité. Peu à peu, nous comprenons le problème de la personne en question, mais l’opacité avec l’affaire qui occupe nos enquêteurs perdure. J’ai adoré cela : je n’ai pas vu venir les révélations sur la personne concernée, et l’explication de son comportement est tout à fait crédible. Les révélations jouent pleinement leur rôle dans la résolution de l’enquête et apportent un vrai plus au récit. J’ai également apprécié la ligne narrative principale : j’ai aimé retrouver Ari Thor car c’est un personnage infiniment humain. Il fait des erreurs, fait l’autruche quand il se sent perdu, sa vie amoureuse est une fois de plus… compliquée! D’ailleurs, sa compagne m’a profondément agacée dans ce roman. Si vous me suivez depuis un moment, vous savez que cette complexité des personnages est quelque chose sur laquelle je m’arrête. J’aime retrouver la densité de la vraie vie, j’aime que les êtres évoqués ne soient pas juste des marionnettes menées par le bout de la plume d’un auteur. J’aime beaucoup la figure de l’assassin qui apparaît ici. Elle est terrible et saisissante, et malheureusement, sans doute plus banale qu’on ne le croit – au sens où de telles choses arrivent plus souvent qu’on ne le croit. Parfois, comme ici, nous n’avons pas besoin de grand renfort d’hémoglobine et de scènes cruelles pour savourer un polar bien ficelé, à la chute percutante.

       La narration est vraiment intéressante car on ne tombe pas dans un schéma manichéen avec un méchant, qui n’est que méchant ou un justicier qui est parfait. Chaque personnage – que ce soit le maire, Kristín, Gunnar, Elín, Jódis et tous les autres- a une part d’ombre, des secrets inavouables, chacun est pétri de petites bassesses, de loyauté trahie, de courage parfois aussi. Cela crée une galerie de personnages savoureuse et vivante. Sous le prétexte d’une enquête, nous découvrons un peu plus les gens de Siglufjördur et, ça aussi, ça fait plaisir. Cela permet d’entrer pleinement dans l’univers, de poser nos valises de lecteur et de nous installer dans une temporalité, dans une durée. Nous faisons corps avec l’univers et, peu à peu, les habitants du village deviennent un peu nos compagnons de route, à nous aussi. Mention spéciale pour Jódis, cette vieille femme m’a émue! Elle apparaît assez brièvement mais le tragique de sa vie n’en est que plus poignant, et c’est un sacré bout de femme! Pour autant, son histoire ne bascule pas dans la mièvrerie ou le pathos, c’est un fil supplémentaire, qui étoffe l’histoire du village, qui donne corps à la communauté et qui nous cheville un peu plus aux côté d’Ari Thór.

        Ainsi, ce deuxième volet m’a ravie. Je l’ai dévoré, et si je résiste à l’appel du tome 3, ce n’est qu’une question de jours avant que je ne craque! Je suis définitivement conquise par la plume de Ragnar Jónasson et par l’atmosphère de Siglufjördur. 

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