Le Faiseur de rêves, Laini Taylor.

Le faiseur de rêves par Taylor           Le Faiseur de rêves attendait dans ma bibliothèque depuis un moment, je l’avais obtenu à sa sortie dans une MilleetUnlivres box. J’en étais ravie car cette couverture est un enchantement pour les yeux. Le Pumpkin Autumn Challenge a été un prétexte de choix pour le faire descendre de son étagère. Il sera donc mon « Rêverons-nous de moutons électriques », menu Automne Astral… (même si j’ai déjà lu un roman pour cette catégorie!) Il faut dire que cette année, mon Challenge automnal est chaotique, pris en étau entre  ma fatigue et mon incapacité à me fixer sur ma pile à lire.

        Le roman est dense : Une cité oubliée d’où ne sort plus de riches caravanes, une cité dont le nom a été effacé des mémoires et qui devient une ombre planant sur les esprits et sur l’histoire, la légende du Tueur des dieux… En parallèle, un étrange jeune homme, un orphelin, Lazlo Lestrange, Lazlo le rêveur, grandit. De solitude en coups du destin, il devient bibliothécaire et, le jour où un étrange convoi vient enfin de cette Cité oubliée, sa vie bascule.

       Ce roman young adult a l’avantage de ne pas être caricatural : l’univers déployé est mi réaliste mi fabuleux, les êtres sont tissés de contradictions, hantés par les remords, rongés par l’oubli, teintés d’humour aussi. Nous avons des personnalités complexes qui permettent aux héros de déployer leurs ailes. L’ensemble est donc équilibré. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, quelques personnages sont monolithiques – des moines au début surtout-, mais finalement, ils ajoutent aussi leur saveur propre.

      J’ai tout d’abord été séduite par le personnage de Lazlo : un enfant différent, qui est en butte face à un monde d’adultes hermétiques à la poésie des textes, à la magie des mots, à la douceur des légendes; un enfant rêveur, battu et presque vaincu par la raison froide, jusqu’à son apprentissage à la bibliothèque de Zosma. Lazlo est finalement comme un papillon, qui à force d’avoir été battu par les vents, s’est recroquevillé dans sa chrysalide, attendant le moment de déployer ses ailes et ce moment arrive avec la délégation de la Cité oubliée. Quel bonheur de le voir s’épanouir de pages en pages! Bien entendu, j’ai suspecté les révélations qui nous attendent le concernant, mais cela ne gâche en rien le plaisir de la lecture. J’ai trouvé ce personnage particulièrement touchant pour son amour des livres, bien sûr, mais aussi et surtout pour sa gentillesse et sa douceur qui confinent à la candeur. Nulle once de calcul ou de méchanceté ne l’étreint, jamais. La curiosité, la soif de découvrir, et une foi absolue en l’Autre semblent être ses seuls étais. Lazlo mérite bien son nom : « Lestrange », celui des orphelins dans ce monde, bien sûr, mais aussi car il est hors normes, et « rêveur », car il l’est de la plus belle des manières.

        Sarai est également un personnage éminemment touchant : son don, qu’elle tient pour une malédiction, devient un pont entre deux univers. Celle qui se croit à la lisière de l’humanité, qui se voit comme un monstre, est d’une humanité folle. J’aime son caractère nuancé, j’aime ses hésitations, ses doutes, ses atermoiements et par dessus tout, j’aime sa capacité à s’ouvrir aux autres là où certains restent arc-boutés sur la douleur, la colère, la haine. Son destin m’a donc semblé d’autant plus cruel que c’est un de mes personnages préférés et… moi qui ai une bonne mémoire, j’ai oublié les funestes premières pages au cours de ma lecture. La fin m’a donc atteinte avec une brutalité inouïe et j’ai réalisé à ce moment là que le montage romanesque était très judicieux.

        Certains vous diront que la rythmique du récit est lente et peine à acquérir son plein régime. Oui. Mais je n’y vois rien à redire. Le début de ce livre a un petit côté Oliver Twist : l’enfance d’un orphelin malmené, sa vie de jeune adulte, terne et grise dans un lieu qu’il aime pourtant profondément, un long voyage et la découverte d’une cité maudite. En même temps, si les choses se bousculaient davantage, ce ne serait plus crédible. Un voyage vers une cité mythique et oubliée ne peut pas prendre deux jours, les rancœurs ne peuvent pas s’installer en un claquement de doigts, le déploiement de talents enfouis ne peut pas survenir en vingt quatre heures, sans élément déclencheur plausible. Il faut donc laisser maturer, semer les graines qui pourront éclore au bon moment… et c’est ce que fait Laini Taylor.

      La plume de l’autrice est sobre, délicate et efficace, pas de fioriture, pas de guimauve. J’ai apprécié mes heures de lecture en sa compagnie. Mon seul vrai bémol, c’est la fin de ce premier volet, qui me serre le cœur et m’étreint douloureusement. J’aimerais vraiment savoir ce qui arrivera à Lazlo et à Sarai. Quant à Minya, je crois que je vais adorer la détester encore un peu… Bref, je rejoindrai assez vite la Muse des cauchemars… qui sait, mes insomnies et elle s’entendront peut-être à merveille!

      Ainsi, Le Faiseur de rêves est une très jolie lecture : douce et suave avec une pointe d’amertume par le tragique de sa fin. Une chute qui a un goût de reviens-y tant les personnages sont attachants. 

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