J’ai découvert ce texte un peu par hasard, en furetant pour trouver des lectures pour cet été, mais aussi parce que je cherchais des lectures en autoédition, histoire de varier les plaisirs. Je me souviens avoir été frappée par la couverture que je trouvais tendre et poétique…
Nous découvrons l’existence d’un elfe, Sôma. Un peu à la manière des filles de l’air chez Andersen, Sôma est un témoin des Temps. Il écume la Terre, consigne ce qui s’y passe, le génie comme la folie des hommes, sans interférer. Témoin privilégié, scribe effréné, il écrit l’Histoire. Jusqu’à une rencontre. Une rencontre qui se réitère par delà les vies. Tout l’enjeu est de savoir ce qui se passe réellement…
Nous avons tous lu des œuvres longues (horriblement longues!) et d’autres brèves, incisives et denses. Le Messager appartient à cette deuxième catégorie. Il est bref, oui, mais ô combien riche en matériau humain. Il se présente sous une forme étrange : comme un journal de bord, nous suivons des dates clefs. Cela épouse en réalité la fonction de Sôma. Ces moments, séparés de vingt, trente ans parfois, nous semblent décousus, jusqu’à ce que nous en comprenions l’unité et l’utilité. Je dois dire qu’en fin de compte, j’ai beaucoup aimé ce choix d’écriture. Après l’étonnement premier, cela m’a fait réfléchir, m’a amenée à anticiper, à plonger plus avant dans le récit.
Nous découvrons peu à peu Sôma, son sens du devoir, sa souffrance aussi face à la folie humaine entre autres. Nous apprécions son courage, son renoncement à lui-même et aux émotions, tout en songeant qu’il devrait agir et en l’exhortant à faire quelque chose. Compte tenu de la longueur du récit, les personnages sont brossés à grands traits, bien entendu, et cela fait gagner l’ensemble en force. Pas de détail inutile, pas de description. Chaque mot, chaque adjectif prend toute sa résonance au sein de cette économie. Les personnages sont fins, subtils, nuancés et terriblement touchants. Je ne saurais dire lequel des deux m’a le plus émue… Je pense même qu’il n’y a pas de réponse à cette question.
Enfin, la plume de l’auteur est douce, toute en retenue. Sous les lignes et les mots, elle est parvenue à faire entendre l’indicible : l’amour, bien sûr, mais aussi la souffrance, cette souffrance si forte que les mots en deviennent inconsistants. Elle donne à entendre le cœur qui se brise, les résistances individuelles qui cèdent peu à peu jusqu’à n’en plus pouvoir, jusqu’à ce que la raison cède au cœur. Et, finalement, elle nous offre un récit d’amour sans mot d’amour presque, une rencontre mille fois retravaillée et mille fois plus déchirante, un drame qui a emporté mon cœur.
Il est des textes qui vous rencontrent, comme ça, au détour d’une page, et qui laissent une marque indélébile en vous. Ce sera mon cas avec Le Messager. Sans doute question de timing, de moment où l’on est plus sensible que d’autres… Ce court texte est un véritable et déchirant coup de cœur pour moi.