De Femme et d’acier, Cécile Chabaud.

Ce roman de Cécile Chabaud m’a intéressée dès que j’ai posé les yeux sur le résumé : un contexte historique, la Première Guerre mondiale. Le récit d’un destin de femme. Un destin oublié, passé sous silence, un destin qui n’est pas enseigné dans les livres alors qu’on nous conte souvent l’histoire de la guerre menée par les hommes et celle des hommes qui ont fait la guerre. Alors, instinctivement, j’ai su. J’ai su que je voulais le lire parce qu’il est temps aussi de rendre de la visibilité aux femmes. Elles aussi ont écrit l’Histoire.

Ce roman nous présente la vie du docteur Nicole Mangin. Amie de Marie Curie, médecin militaire parmi les poilus de 1914-1918, elle a connu les camps précaires, l’horreur de la guerre, la misogynie. Nous alternons les temporalités : 1919, elle a 40 ans, elle peine à trouver le sommeil et elle se remémore les moments marquants de sa vie. Commence alors un récit, partiel, lacunaire- sans doute- fruit du travail de la mémoire. Les détails sont occultés, les grandes lignes sont brossées, les événements qui ont laissé une empreinte indélébile dans son coeur et son esprit sont retranscrits avec précision. Nous allons donc à l’essentiel dans ce roman, pas d’apitoiement, pas de pathos, mais de l’émotion à revendre et de l’authentique.

Nicole, c’est une jeune femme qui a connu des désillusions, qui a connu la perte, le deuil, la trahison. C’est une femme qui s’est battue pour conquérir sa place, à chaque instant mais qui n’en a tiré ni orgueil ni vanité, c’est une femme qui a fait ce qu’elle pensait devoir faire. Avec une acuité rare, elle analyse ses choix, elle analyse ses échecs et elle raconte, sans fard, la blessure première qui a fait d’elle ce qu’elle est devenue.

Nicole, c’est une femme de poigne. Elle a tenu tête aux étudiants de médecine qui se moquaient de ses aspirations, elle a tenu tête aux médecins qui voulaient la renvoyer au sein du foyer, elle a tenu tête à celui qui lui faisait du chantage émotionnel, elle a tenu tête aux soldats allemands. Elle a accepté les moqueries sur son caractère, sur son physique, elle a accepté d’être rémunérée comme une infirmière lorsque le monde des hommes refusait un médecin femme. Et, de l’intérieur, elle a dynamité le système. Elle a forcé le respect de chacun, elle s’est formée auprès des meilleurs, faisant preuve d’humilité et de respect, elle a engrangé le savoir. Ce qui est émouvant, c’est que toute cette force, tout ce savoir, elle l’a tourné vers autrui. Nicole Mangin, c’est celle qui a fait sien tous les coups du destin, tous les revers, tous les imprévus et qui a transformé la boue du chemin en or. Elle a contribué à améliorer la condition des malades, des classes populaires, des femmes. A son échelle, elle a lutté pour la reconnaissance de la femme, pour son émancipation aussi. Elle a ouvert la voie, sans le savoir, à mille et une autres. Par son exemple, par sa détermination et sa ténacité, elle émeut et fait grandir celui qui se penche un peu sur son enseignement.

Nicole Mangin, c’est une femme au grand coeur, une femme qui a embrassé la condition humaine pleinement et qui a oeuvré chaque jour à aider, soigner, accompagner les autres. Les pages de ce livre vibrent du don de soi, de l’amour de l’Autre, d’un amour désintérressé qui force le respect.

La plume de Cécile Chabaud fait exister une femme dure à la douleur, forte mais aussi pleine de failles, une femme qui se questionne et questionne ses choix, qui veille à faire le bien sans se leurrer sur ses propres erreurs. Nous entendons une femme qui ne se laisse pas faire, une femme qui refuse de s’apitoyer sur elle même. Les amitiés que Nicole Mangin tissent, son parcours sont terriblement émouvants. Plus d’une fois, j’ai eu les larmes aux yeux, plus d’une fois, j’ai craint que sa folle témérité n’abrège sa vie. L’écriture de ce livre est belle, sans fioriture, mais pleine de sensibilité et je pense sincèrement que les choix d’écriture opérés rendent grâce à Nicole Mangin, à ce qu’elle était, tout en finesse et en subtilité.

Ainsi, J’ai adoré ce livre pour deux raisons. L’écriture met en valeur la personne qu’était Nicole Mangin, sans sensationalisme ni pathos. Son destin singulier, hors norme et fascinant m’a tenue en haleine et m’a profondément touchée. Enfin, j’ai particulièrement apprécié de découvrir Nicole Mangin, et je regrette juste qu’elle ne soit pas plus mis en avant – au sein de la société et dans les livres d’histoire – pour son oeuvre et l’héritage considérable qu’elle a laissé.

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