L’île de Yule, Johanna Gustawsson.

J’aime beaucoup les romans de Johanna Gutsawsson, pour en avoir lu plusieurs avant la naissance de mon fils. Je suis très fatiguée et j’ai peu de temps pour lire en ce moment, alors j’avais envie d’une lecture plaisir, un livre que j’étais quasiment sûre d’aimer -quasiment, car malgré tout, rien n’est absolument garanti en matière de découverte livresque.

L’intrigue du roman se déroule sur l’île de Storholmen, une petite île au large de Stockholm. Les lieux ont une réputation sulfureuse depuis la découverte d’une adolescente pendue à un arbre du domaine, neuf ans plus tôt, sans que ce meurtre ne soit élucidé. Emma Lindahl doit justement expertiser les œuvres d’arts du manoir à l’occasion du centenaire du domaine, et l’atmosphère est glaçante : de grandes pièces vides, des propriétaires, Les Gussman, qui fuient sa présence, lui imposant des créneaux horaires stricts. Un nouveau meurtre vient nourrir la peur.

Dès les premières pages, j’ai été happée par ma lecture. Tout m’a emportée : cette île, battue par les vents, ce manoir à la fois figé dans le temps, glacial, austère et terriblement énigmatique et les êtres qui parcourent les lieux.

Le roman est conté par trois voix : Emma, l’experte en arts, Viktoria une employée de maison du manoir et Karl, policier chargé de l’enquête pour les meurtres des jeunes femmes retrouvées dans les environs. Les chapitres concernant Emma m’ont plu – même si certains passages ne m’ont pas emballée : certaines scènes d’amour sont un peu trop crues à mon goût et j’ai trouvé Emma excessive. Elle enquête seule, explore seule puis appelle la police, d’une certaine façon, elle en fait trop et sa grande clairvoyance dans certains domaines n’a d’égal que son aveuglement dans d’autres. Je reste un peu sur ma faim avec ce personnage plein de potentiel : des éléments trop convenus à mon sens, des révélations intéressantes, un profil qui augurait de belles choses, mais elle reste la pierre angulaire de ce récit, et cela fonctionne assez bien. Karl est un policier étonnant. Endeuillé et taciturne au début, il se révèle peu à peu. J’ai par exemple été un peu soufflée qu’à un moment donné, Emma et lui se tutoient car je n’ai pas perçu ce qui provoquait ce rapprochement. Ce policier est intéressant car ce que lui réserve l’autrice est saisissant et explique sans doute certains détails qui m’ont titillée. Le personnage de Viktoria est mon préféré, arrivée au terme de ce livre. Femme déterminée, courageuse, que la vie n’a pourtant pas épargnée, mais qui fait de son mieux, chaque jour. Elle a fait son possible pour offrir à sa fille la meilleure vie possible, pour la protéger mais aussi pour travailler avec sérieux et droiture même lorsque le quotidien lui paraît étrange. Le destin qui l’attend est terrible et très émouvant.

L’autrice se saisit de cette écriture chorale pour nous préparer un renversement de situation très étonnant. Facile diront certains. Peut-être. Malin, assurément ! Quoi qu’on en dise, ça marche. J’ai été surprise, mes suppositions se sont effondrées et une partie des pièces du puzzle se sont mises en place.

Le résultat de l’enquête et la révélation du coupable dans ce roman est plus lié au travail d’Emma, appuyée par Karl qu’au travail de la police seule. Ce n’est pas toujours très convaincant et j’ai parfois été agacée que notre experte en Arts s’improvise en Sherlock Holmes, mais cela n’entache pas le plaisir de lire.

Dans ce roman, l’autrice insuffle la mythologie nordique, conférant aux crimes commis une dimension rituelle et sacrificielle aussi dérangeante que glaçante. Cela m’a plu. J’ai trouvé intéressant de voir se déployer les éléments de page en page, de voix en voix et comprendre comment l’histoire des lieux rencontrait peu à peu l’Histoire, nourrissant, aggravant des traumatismes et concourant à la perte de certains.

Je ne peux pas dire que j’ai été surprise par tous les aspects déployés dans le récit : le coupable m’a en partie surprise, mais j’ai cerné une partie de ses motivations avant la révélation ; j’ai également compris avant que cela ne soit dit ce qui était arrivé à deux des victimes. Cependant, découvrir ce qui s’était passé, entendre les propos tenus est resté intéressant puisque cela a permis de dresser un portrait des coupables d’autant plus saisissant et d’ajouter une strate d’horreur aux événements. L’absence partielle de surprise ne gâche donc en rien la lecture.

Ainsi, je suis très satisfaite de ma lecture. J’ai dévoré L’Île de Yule en deux petits jours, ce qui est un exploit entre ma fatigue et les vacances avec un petit garçon vif et curieux. J’ai passé un excellent moment de lecture, j’ai savouré des rebondissements intéressants, des révélations glaçantes et des surprises bien amenées. Promesse tenue, donc pour ce roman, malgré les bémols que j’ai pu noter.

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