Les Pyromanes, Vincent Delareux.

Les Pyromanes est le premier roman de Vincent Delareux que je lis. Le résumé et la quatrième de couverture m’ont convaincue de plonger dans ce roman, et je m’en félicite.

Le récit se passe dans un village reculé de Normandie. Thérèse Sommer fait sa loi : elle est notoirement infidèle, sans que son mari ne puisse rien faire, elle méprise sa propre mère, elle jouit de sa liberté jusqu’à ce que la naissance de sa fille balaye son monde. Françoise grandit dans cet univers, entre haine et mauvais traitements. Il lui faudra faire un choix face à toute cette haine : vivre en sainte ou endosser la culpabilité.

Ce roman est percutant. Il cueille le lecteur dès les premières pages et le happe dans l’histoire. Thérèse Sommer tout d’abord est un personnage absolument hors norme, un monstre d’égoïsme, capable de s’affranchir de toutes les règles, de braver tous les interdits. La femme éprise de liberté est néanmoins bientôt rattrapée par sa condition de femme de l’époque, et devient bourreau, implacable, impitoyable, un monstre de violence brute, de rage et de jalousie. Elle est facettée à la perfection pour créer chez le lecteur un mélange étrange de répulsion et de fascination : nous voulons savoir ce qu’elle fera, jusqu’où elle ira, et, en même temps, ses actions nous glacent toujours un peu plus et nous traîne vers le fond de l’abîme.

Sa fille, Françoise, est terriblement émouvante. Belle oie blanche, elle est la victime parfaite, et bientôt, plus d’un bourreau s’acharne sur elle. Nous ne pouvons que compatir face à cette enfant que rien ni personne n’épargne : un père qui ne la considère pas comme sa fille, une mère qui la hait, le village entier qui la scrute et la déteste à cause de sa mère… elle démarre difficilement dans la vie. Sa grand-mère fait figure de personnage solaire au milieu de ces ténèbres… pourtant, parviendra-t-elle à sauver l’enfant – dans tous les sens du terme? Françoise est un personnage qui sait s’inventer, se créer, c’est l’agneau qui devient loup pour survivre. La question brûlante sera de savoir si elle saura s’arrêter à temps, avant de devenir elle-même bourreau. Force est de constater que c’est difficile car elle se heurte à de nombreux obstacles, et la carapace qu’elle s’est forgée à cause des événements de son enfance la coupe de plus en plus du monde. Entre prières à Sainte Thérèse et tentation du diable, elle devra choisir sa voie. Son destin est tout aussi glaçant que celui de sa mère, à la fois différent et semblable par certains aspects. L’auteur parvient à créer un personnage qui ne laisse pas indifférent et qui porte à lui seul l’ensemble de l’intrigue. A ses côtés, nous passons par toutes les émotions.

Plus nous avançons dans ce roman, plus les événements sont dérangeants, terrifiants et sinistres. L’œuvre commençait sur les chapeaux de roues, elle finit en apothéose. Le lecteur en se plongeant dans le récit n’imagine pas où cela va le mener. Si avec Thérèse nous naviguons au bord de l’abîme, avec Françoise, nous sombrons au fond du gouffre, nous nous noyons dans les abysses et nous nous consumons au feu de l’amour et de la haine. La chute est parfaite, elle suscite mille émotions et surprend tant nous espérons une autre fin.

Parmi les personnages, j’ai été touchée et intriguée par l’Ancien et son épouse. Son épouse est d’une clairvoyance redoutable pour une femme centenaire qui parle peu et sort peu. Elle fait un peu office de Cassandre sous les yeux médusés de la communauté et de son propre époux. Elle tient donc un rôle clef, comme son mari, car leurs prévisions sont importantes et leurs silences le sont encore plus.

Les Pyromanes est un excellent roman. J’étais dans une période de lecture difficile et c’est le seul roman que j’ai littéralement dévoré. Tout fonctionne parfaitement : la plume, la narration, le montage romanesque, les personnages et leurs démons. Un régal aussi sinistre que passionnant.

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