Le Cabinet des illusions, Jean-Luc Bizien.

De Jean-Luc Bizien, je connaissais déjà la série de l’Aliéniste Simon Bloomberg, alors je n’ai pas beaucoup hésité à découvrir ce nouveau roman. Nous y retrouvons par ailleurs un personnage présent dans l’une des enquêtes de Simon Bloomberg : le « merveilleux magicien chinois » Chung Ling Soo.

Dans ce livre, nous découvrons William Ellsworth Robinson qui a tout effacé de lui pour devenir le « merveilleux magicien chinois, Chung Ling Soo ». Engagé par une riche famille viennoise pour une représentation privée, le voilà, lui et son équipe, mêlé à un drame. Il devra alors faire son possible pour s’innocenter et aider la police à faire la lumière sur toute cette affaire.

Ce roman s’adosse à des éléments réels : le magicien a réellement existé, ses tours comme sa vie et ses associés sont ici parfaitement documentés, donnant une belle profondeur aux êtres. Pour les autres, ils sont façonnés avec finesse, offrant une belle humanité, sans ménager les turpitudes des uns et des autres. Nous trouvons de tout : l’arrogant chef de famille fortuné aux idées politiques dérangeantes, les flatteurs, les voyous beaux parleurs, les bonimenteurs, la bonne société bien pensante, les héritiers soucieux de préserver leur fortune ou espérant la faire prospérer; auxquels s’ajoute un malström d’émotions, d’intentions et de petites bassesses humaines : la cupidité, la naïveté, les caprices des nantis, la colère sourde et irrépressible, la jalousie puissante et tenace… toute une multitude de choses humaines qui deviennent les leviers d’une histoire prenante.

Ce qui est saisissant, c’est que tout, dans ce roman, concourt à éclairer le fil directeur. Même les intrigues secondaires finissent par rejoindre les éléments clefs et donnent au récit une belle cohérence d’ensemble, renouant avec les principes de la tragédie. Dans ce roman, compte tenu de ce que sont les êtres, rien ne pouvait arrêter la machine infernale une fois qu’elle s’était mise en branle : show must go on. Les acteurs devaient jouer leur rôle jusqu’au bout et, chacun à leur façon, boire le calice jusqu’à la lie.

J’ai adoré les renversements de situation et la dramatisation du récit qui s’amorcent dans la seconde moitié du livre. Nous sommes alors emportés par les événements. Si au début, nous ne voyons pas bien où le courant nous porte, nous sommes bientôt saisis dans un torrent tempétueux dont nous ne pouvons pas nous extraire avant la dernière page. La chute est particulièrement cruelle et saisissante et contribue au plaisir de lire. Elle contraste d’ailleurs pleinement avec le début de l’œuvre qui est bien plus sereine – en apparence. Force est de constater que je me suis un temps demandé où cela allait me mener et si l’intrigue allait se densifier et devenir plus trépidante : la réponse est donc oui. Je dirais même que la suite du roman est d’autant plus savoureuse que nous nous sommes interrogés sur ce tempo.

Jean-Luc Bizien parvient à créer des personnages attachants : Olive – alias Suee Sen – est touchante, elle est à la fois dévouée, douée et un peu bafouée par son époux. Elle fait de son mieux, mais son humanité et ses tourments personnels sont aussi des éléments clefs dans l’intrigue. Le régisseur Frank Kametaro est un allié fidèle, connaissant Will – Chung Ling Soo – peut-être mieux que lui-même. Il est un personnage très fin car très sensible à l’humain et ses variations : un regard, un détail, une mise, une posture lui permet de déchiffrer le cœur et les caractéristiques des gens, là où son patron est trop concentré par l’excellence, par son rôle, par son désir de comprendre et de percer les mystères pour embrasser tous les détails. Magicien et régisseur forment un duo détonant, complémentaire et agréable à suivre. J’aime leur sagacité, leur sens de la déduction, leur pugnacité. Ils forment des enquêteurs du dimanche hors pair, mettant leurs connaissances de la magie au service de la justice.

Ainsi, j’ai réellement aimé ce roman. Si le tempo doux du début nous berce, nous sommes bien vite réveillés par une cascade d’événements, par des surprises, des tours de passe-passe, des chausses -trappes et des révélations déconcertantes et glaçantes. Nul doute que je lirai la suite de ces aventures avec bonheur.

Laisser un commentaire