
J’aime particulièrement les polars et je ne boude jamais mon plaisir à découvrir un nouvel auteur. Il ne m’en a pas fallu beaucoup pour avoir envie de tester : un titre énigmatique, une quatrième de couverture alléchante et ma curiosité était en éveil.
Ce roman met en scène Eve Black, une jeune femme marquée par son passé : la fille qui a survécu au Courant d’air, un tueur en série insaisissable, alors que toute sa famille a péri. Vingt ans après les faits, elle publie un roman et relate les événements. Jim Doyle, lui, est agent de sécurité dans un supermarché. Son regard est aimanté par le titre de ce roman, curiosité, colère, peur… de nombreuses émotions vont le traverser.
Tout d’abord, je dirais que ce roman est déroutant. Il s’est passé plusieurs mois entre son arrivée dans ma PAL et ma lecture et j’avais tout oublié du résumé qui m’avait séduite. Les premiers chapitres concernant Eve Black fonctionnent à merveille et nous font penser à une autobiographie, à un témoignage. Le lecteur est immédiatement plongé dans son histoire, dans ses tourments et elle est extrêmement touchante. Son envie de se cacher, de ne pas être reconnue, puis son envie de dire sa vérité, de donner à entendre les victimes et non les bourreaux trop souvent mis en lumière par les medias, et puis son combat pour essayer de débusquer celui qui lui a tout pris.
Les chapitres concernant Eve ont vite cédé la place à ceux centrés sur Jim. Dire qu’il m’a vite été antipathique est un euphémisme : il a tout du sale type arrogant. Mon cerveau a longtemps été en peine face à l’altérité de ces deux voix : d’un côté la victime rescapée mettait l’acte d’écriture en abîme dans le roman ; d’un autre côté, Jim – et ses vicissitudes qui vont croissantes – se complaisait dans l’autosatisfaction. Il m’a vraiment fallu un grand moment pour reprendre pied entre ces pages, mais une fois que j’y ai trouvé mon équilibre, j’ai pleinement savouré cette singularité totale dans l’écriture, cette originalité de la forme et des personnages. Ma curiosité était piquée et j’attendais avec impatience de retrouver le personnage que j’avais quitté pour savoir d’une part, si la quête d’Eve allait aboutir, d’autre part, pour voir si la chute de Jim allait enfin se préciser. L’enjeu de ce livre ne réside pas dans le fait de démasquer Le Courant d’air, mais de savoir si la vérité éclatera au grand jour, si sa vie sereine sera troublée et si Eve parviendra à débusquer le vieux renard grâce à son true crime.
Nous assistons donc à un jeu du chat et de la souris, à une partie d’échecs finement orchestrée et où le premier faux pas peut être fatal. Je ne parlerais pas de suspense haletant ou d’une multitude de rebondissements, mais il y a de quoi assurer une tension dramatique satisfaisante et jubilatoire.
Ce roman explore encore une fois l’idée de la banalité du mal. Jim, aussi antipathique soit-il, est un type banal. Un raté par certains aspects. Pas de carrière reluisante, pas de vie sociale folle, un mariage qui semble ne plus être nourri par l’amour, des liens assez distendus. Le voisin acariâtre que nous détesterions avoir, que nous fuirions comme la peste, sans forcément penser davantage à mal. Ce n’est pas un schéma nouveau, mais il est traité ici de façon différente par les choix stylistiques opérées, et cela permet de retravailler des topos du genre de façon intéressante.
Ainsi, Le Courant d’air est une lecture très originale, déconcertante au début puis jouissive par sa singularité. L’idée de créer une mise en abîme de l’acte d’écriture, de s’en servir de catalyseur pour débusquer un assassin en dormance est saisissante et a réussi à bouleverser la lectrice habituée aux polars et thrillers que je suis. J’ai réellement apprécié cela.