
Adieu Birkenau est une Bande dessinée que j’ai offerte à plusieurs personnes, sûre de faire plaisir et que je souhaitais découvrir à mon tour. Je l’ai donc empruntée dès que j’ai eu un peu de temps pour lire le récit mais aussi pour voir comment ce témoignage avait pu être mis en images.
En avril 1944, Ginette Kolinka est déportée au camp d’Auschwitz II- Birkenau, dans le même convoi que Simone Veil, longtemps, elle n’a pas parlé de cette expérience traumatisante et puis, la nécessité de témoigner s’impose. Cet album évoque ses souvenirs, mais aussi une forme de bilan entre son premier et son dernier passage dans ce camp, le « plus grand cimetière du monde ».
Beaucoup de choses ont déjà été dites sur cette BD, je ne serai donc pas longue. C’est une oeuvre émouvante et intéressante. Elle alterne deux temporalités : Ginette Kolinka, âgée, qui revient à Auschwitez-Birkenau pour accompagner un voyage scolaire et raconter, et Ginette adolescente prisonnière du camp. Les passages évoquant Ginette âgée sont terriblement émouvants : on nous présente une femme drôle, qui s’éloigne de tout pathos et de toute sensiblerie. L’humour devient une façon de vivre, de dire aussi l’indicible. Sous cette manière d’être, j’entends un parti pris : quand on a survécu à l’impensable, quand on a perdu tant de gens, on relativise les petites misères du quotidien et on vit, on vit pleinement, intensément, avec amour et passion, on embrasse le monde et on rit. A travers ces quelques pages, j’ai vu cristalliser une belle personne, une femme forte et puissante, une femme qui assume ses failles et ses faiblesses, ses culpabilités et ses hésitations. J’ai aimé la sincérité qui innerve les pages, j’ai aimé l’entendre dire qu’elle ne souhaitait pas dire ce dont elle ne se souvenait pas en le construisant à partir d’autres témoignages. Elle livre son témoignage avec pudeur, expliquant aux adolescents simplement, sans détour, sans fioritures mais sans renfort de détails crus.
La représentation de son expérience dans le camp est faite tout en pudeur également. Les choses sont montrées, les dessins sont expressifs et viennent nous toucher, mais sans sensationalisme. Nul besoin d’en rajouter pour faire comprendre. J’ai été particulièrement sensible aux choix esthétiques pour représenter les autres prisonniers. Sur plusieurs planches, ce sont des ombres, des silhouettes un peu indistinctes – une fois passé la sélection. Cela revêt une symbolique très nette : les exactions nazies réduisaient les êtres à l’ombre d’eux-mêmes, la déshumanisation allait bon train, mais ce sont aussi toutes celles et ceux qui n’ont pas survécu, le spectre des victimes innocentes qui ont péri sous les coups de la barbarie. Ainsi, les choix graphiques sont porteurs de sens et savent parler au coeur du lecteur.
J’ai réellement apprécié ma lecture, elle remue au plus profond de l’être et touche – par son sujet mais aussi par la personne qu’est madame Ginette Kolinka. Je la recommande bien évidemment.