De Lynda La Plante, j’ai lu Enfouis, et j’avais été suffisamment intriguée pour plonger dans le deuxième volet des enquêtes de Jack Warr sans trop hésiter. Le premier tome faisait émerger une figure d’enquêteur singulière, de l’homme discret sans ambition, nous passions au policier sûr de lui et borderline. J’étais très curieuse de savoir comment il évoluerait.
Dans En guise d’appât, Jack est appelé pour aider à résoudre une affaire de cambriolages dans les Costwolds. Depuis des années, des propriétés richissimes sont visitées, des bijoux d’exception sont volés et les criminels restent insaisissables… de quoi mettre la police sur les dents et crisper les riches propriétaires qui aspirent à la paix. L’escalade de la violence qui s’opère précipite chacune des parties : il est temps de solder les comptes.
Tout d’abord, j’ai beaucoup aimé l’enquête en elle-même : la manière d’opérer des malfrats n’est pleinement comprise qu’assez tardivement, le jeu du chat et de la souris entre les enquêteurs et les voleurs se développe sans redite. La tension monte à mesure que les cambriolages deviennent plus violents. Les conflits internes entre les policiers ajoutent aussi à la tension dans le livre car à plusieurs reprises, le lecteur craint que les dissensions ne ruinent l’enquête. Les révélations sur le mode opératoire des bandits se font au compte goutte, ce qui permet de maintenir l’attention du lecteur.
Dans ce volume, nous ne sommes plus face à un enquêteur qui se cherche. Jack Warr semble mille fois plus sûr de lui, il se sait bon, et entend bien laisser libre court à son instinct. Cela donne un enquêteur fin précis et parfois insupportable, osons le dire. Bien entendu, il analyse avec finesse les choses et anticipe bien les potentiels choix des malfrats, mais il fait souvent cavalier seul, se rebiffe face à sa hiérarchie, enfreint les règles, ment par omission sans vergogne. L’image du policier borderline qui apparaissait dans le premier volet d’enquête se déploie pleinement. Il est borderline avec la procédure mais aussi avec ses coéquipiers – surtout face à ceux qui l’insupportent. En réalité, je suis convaincue que c’est intentionnel car cela crée un policier à deux facettes : soucieux du respect des lois, de la justice mais aussi capable d’enfreindre les règles pour que les méchants soient punis. Il devient donc l’alliance de ses deux pères : le membre de la pègre et l’homme aimant, soucieux du bien collectif. Jack Warr devient une sorte de Robin des bois modernes, un peu plus violent en revanche parfois. Je ne suis pas encore certaine d’aimer cette alliance même si cela marche parfaitement avec tout ce que l’autrice a patiemment bâti au fil des deux tomes, et le personnage est très cohérent avec lui-même. Reste à savoir si cela satisfait pleinement mon appétit de lectrice. Je pense me laisser le luxe d’un troisième tome pour choisir.
En revanche, ce qui est absolument certain, c’est que je n’apprécie pas vraiment le traitement que l’autrice met en oeuvre pour ses personnages féminin. La jeune collègue – coeur d’artichaut- qui était éprise de Jack- renonce à lui car Jack devient père, et jette son dévolu sur un autre membre de l’équipe, qu’elle aime de loin, le dévorant des yeux, rougissante. Une des commissaires est sans cesse ramenée au fait qu’elle aimerait bien Ridley. Et enfin, Maggie, médecin émérite et jeune maman, est sans cesse ramenée à son rôle de mère, à sa capacité à s’effacer pour Jack, à le comprendre, à le soutenir. Elle est l’épouse qui laisse son mari voguer à sa carrière et voit clair en lui. Bref, les femmes sont ramenées sans cesse à un rôle de faire-valoir, de mère ou d’amantes, mais ne semblent pas exister hors de l’ombre d’un homme, et cela me chagrine profondément.
Ainsi, je suis un peu partagée sur ce deuxième volet, mais pas échaudée. L’enquête était intéressante et comptait de nombreuses surprises. Jack Warr poursuit sa transformation et devient peu à peu un enquêteur singulier. J’ai passé un bon moment de lecture, et je ne me suis pas ennuyée, loin de là. Je suis curieuse de voir comment cela évoluera et si les femmes trouveront enfin une place à elle aux côtés de cet enquêteur.
Les Rêveries d'Isis 